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Fevrier2016 à 2016-11-08 21:52:08.
Découverte de Tibicina steveni (Krynicki, 1837) et de Dimissalna dimissa (Hagen, 1856) en Languedoc – Roussillon (Hemiptera Cicadidae)
Jérémie FEVRIER, 3 impasse des Mouchères, f-34160 Sussargues
jefevrierArobazgmailPointcom
Résumé
Dimissalna  dimissa (Hagen,  1856)  et  
Tibicina  steveni  (Krynicki,  1837),  deux  espèces  de  Cigales  considérées  comme  très  rares  en  France  et  inconnues  de  la  région  Languedoc-Roussillon,  ont  été découvertes  début  août  2013  sur  les  communes  de  Sainte-Cécile-d’Andorge  et  de  La  Grand-Combe  dans le département du Gard. Des éléments de comparaison relatifs aux biotopes et à la phénologie de ces espèces sur le site et ailleurs en France sont exposés. La richesse spécifique en cigales observées 
in situ est discutée ainsi que l’exceptionnelle sympatrie de 
T. steveni avec 
T. quadrisignata (Hagen, 1855). 
Summary
Dimissalna  dimissa  (Hagen,  1856)  and  
Tibicina  steveni (Krynicki,  1837),  two  species  of  cicadas  considered as very rare in France and unknown to the Languedoc-Roussillon region were observed in 2013 in the localities of Sainte-Cécile-d’Andorge and La Grand-Combe in the department of Gard. Elements related to their habitat and phenology are compared with data from others sites in France. Cicadas  specific  richness  in  the  studied  site  as  well  as  the  remarkable  sympatry  of  
T.  steveni with  
T.   quadrisignata (Hagen, 1855) are discussed.
Keywords
Cicadidae, Tibicina steveni, Dimissalna dimissa, Sympatry, Languedoc-Roussillon, France
Introduction
Des  inventaires  entomologiques  furent  menés,  dans  un  cadre  professionnel  et  en  compagnie  de   Stéphane   Berthelot,   dans   le   Nord   du   département  du  Gard  au  milieu  de  l’été  2013.  C’est  à  cette  occasion  que  furent  découvertes  
deux  espèces  de  Cigales  considérées  comme  très  rares  en  France,  et  inconnues  de  la  région  Languedoc-Roussillon. La Cigalette farouche, 
Dimissalna  dimissa  (Hagen,  1856),  fut  détectée  et identifiée au chant, puis observée à plusieurs 
reprises. La seconde espèce, la Cigale de Steven, 
Tibicina steveni (Krynicki, 1837), fut également repérée  à  partir  des  émissions  sonores,  puis  identifiée  après  capture.  Un  deuxième  passage  en été 2013 en compagnie de Stéphane Puissant, 
cicadologue français à l’origine de la découverte des deux espèces en France 
Sueur et al., 2003; 
Puissant & Sueur, 2011
, permit de confirmer leur présence sur le site.
Tibicina steveni (Krynicki, 1837)
Nom vernaculaire
la Cigale de Steven 
Puissant, 2006
 ; 
Deroussen et al., 2014
.
Description et répartition
Tibicina  steveni  fait  partie  de  la  famille  des 
Cicadidae  Latreille,  1802  et  de  la  sous-famille  des  
Tibicininae  Distant,  1905.  C’est  une  des  plus grosses espèces françaises du genre 
TibicinaKolenati,  1857  (au  nombre  de  sept,  dont  une  représentée  par  deux  sous-espèces),  avec  une  longueur  d’environ  28  mm.  Ressemblant  à  d’autres  espèces  du  genre,  et  notamment  à  
T. haematodes (Scopoli, 1763) avec laquelle elle fut  longtemps  confondue,  elle  s’en  distingue notamment  par  l’aire  externe  du  prothorax orangé clair et large, et par une ornementation orangeâtre relativement    caractéristique du scutum (Figure  1).  En  outre,  la  forme  des genitalia  est  spécifique,  tout  particulièrement  
au  niveau  de  l’apex  arrondi  de  l’édéage et de la  longueur  de  l’apex  endosomal  (Figure  2). Enfin,  la  cymbalisation  d’appel  est  différente  entre  les  espèces  mais  elle  nécessite  un  bon  enregistrement  et  une  analyse  fine  par  logiciel  
acoustique  (nombre  de  groupes  de  pulsations  par seconde rapportés à la fréquence dominante 
Sueur & Aubin, 2003). 
La Cigale de Steven était considérée comme une  espèce  d’Europe  de  l’Est  (elle  est  parfois  appelée  Cigale  orientale).  Elle  était,  en  effet,  connue  jusqu’à  peu  uniquement  de  Turquie,  de  Crimée  (Ukraine),  du  Caucase  (Arménie,  Azerbaïdjan   et   Géorgie)   et   de   Macédoine  
Sueur et  al.,  2003.  Elle  est  également  citée  plus  récemment  de  Bulgarie 
Gogala et  al., 2005
.  Sa  présence  en  Europe  de  l’Ouest  n’est  avérée  que  depuis  peu  :  2002  pour  la  France  et 2003 pour la Suisse 
Sueur et al., 2003, et plus récemment encore pour l’Italie [[Hertach2013 Hertach 
&  Nagel, 2013]].  En  France,  
T.  steveni  est considérée comme une espèce relictuelle. Jusqu’en 2013, 
T. steveni n’était   connue   que  d’une  unique  station  localisée  dans  le  Tarn (Castelnau-de-Montmiral, 81064) à environ  180  km  à  l’ouest  de  Sainte-Cécile-d’Andorge. Depuis sa découverte dans le  Gard, sa  présence  a  été  avérée  dans  d’autres  stations  
du  Nord  de  ce  département  
Bernier et  al., en  ligne  ;  [S.  Berthelot,  comm.  pers.],  ainsi  
que   dans   l’Aveyron,   commune   de   Connac   (12075)  à  Lavabre  
Deroussen et  al., 2014
.  
Elle  a  également  été  décelée  en  2015  dans  le  département  de  l’Hérault  par  David  Sannier  (comm. pers.) sur la commune de Riols (34229, col de Tanarès).
(Carte 1) Localisation et description du site Le  site  où  fut  découverte 
T.  steveni en  2013  est localisée sur les communes de Sainte-Cécile-d’Andorge  (30239)  et  de  La  Grand-Combe  (30132),  dans  le  Nord  du  Gard  (à  quelques  kilomètres  de  la  Lozère).  Les  stations  mises  en  évidence  sont  situées  à  une  altitude  variant  entre  570  et  600  m,  dans  l’étage  subaxérique  tempéré  (ou  subméditerranéen  tempéré),  sx 3 selon  Defaut [2001],  et  sur  substrat  siliceux.  Il  s’agit  d’un  ancien  site  minier  industriel,  majoritairement  replanté  d’Aulne  de  Corse,  
Alnus cordata (Loisel.) Duby, et de Pin maritime, 
Pinus  pinaster Aiton.  La  plupart  des  individus  ont été contactés dans des secteurs de matorral arborescent   dominé   par   ces   deux   essences (Corine  Biotopes  32.141  ×  83.325).  La  hauteur  
moyenne  des  arbres  était  alors  d’environ  5  m. Certains  individus  ont  également  été  détectés dans  des  milieux  boisés  plus  matures  (Corine Biotopes  42.82  ;  hauteur  des  arbres  d’environ 10 m) dominés par le Pin maritime, en mélange 
avec  quelques  Bouleaux  verruqueux  et  Chênes pubescents.  Ces  milieux  arborés  sont  présents sur  le  site  en  mosaïque  avec  des  biotopes  plus ouverts de friches et matorrals (Corine Biotopes 87.1 × 32.141). Une   autre   station   de   
T.   steveni a été découverte  en  2015  sur  la  commune  de  La  Grand-Combe par Stéphane Berthelot (comm. 
pers.). Cette station géographiquement proche correspond aux mêmes biotopes (plantations de Pin maritime et d’Aulne de Corse), mais à une altitude inférieure (350 m).
Figure  1.  –  Imago  de  Tibicina  steveni  capturé  à  Sainte-Cécile-d’Andorge   (Gard)   en   août   2013   (cliché Jérémie Fevrier).
Figure  2.  –  Genitalia  d’un  imago  collecté  sur  la  station de Sainte-Cécile-d’Andorge en juillet 2015 (cliché Jérémie Fevrier).
Pour    comparaison,    la    station    tarnaise    de    Castelnau-de-Montmirail    est    située    à une  altitude  inférieure  (290  m),  au  sein  de boisements  de  Chênes  pubescents  (
Quercion pubescenti-petraeae).  L’observation  récente  de  l’espèce dans l’Hérault (David Sannier, comm. pers.)  concerne  un  boisement  de  Chêne  vert sur  terrain  siliceux.  La  station  est  située  sur un  versant  exposé  plein  sud  et  à  une  altitude  d’environ 510 m. Il serait important de vérifier si,  à  l’instar  des  stations  du  Tarn  et  du  Gard,  elle s’inscrit également dans l’étage subaxérique tempéré  (sx 3)  ou  s’il  s’agit  plutôt  de  l’étage  xérique  subhumide  tempéré  (sh 3).  En  Suisse,  l’espèce  est  connue  entre  500  et  1300  m  d’altitude,   au   sein   de   l’étage   subaxérique   tempéré  (sx 3)  où  elle  transgresse  dans  l’étage subaxérique  frais  (sx 4).  Elle  est  citée,  dans ce   pays,   au   sein   de   boisements   à   Chêne  pubescent    (Quercion    pubescenti-petraeae), mais  également  au  sein  de  pinèdes  (Ononido-Pinion) et de vignobles en terrasses exposées au sud. La   Cigale   de   Steven   est   donc   observée dans   une   large   gamme   d’habitats   (chênaie pubescente,  chênaie  verte,  pinède,  vignoble), mais   sa   distribution   semble   principalement associée à l’étage subaxérique tempéré (sx  3).
Phénologie et comportement
T.  steveni fut  découverte  sur  la  station  de  Sainte-Cécile-d’Andorge le 5-VIII-2013, puis de nouveau contactée le 11-VII-2013 en compagnie de Stéphane Puissant. Ce dernier put procéder à  l’enregistrement  de  plusieurs mâles  le  15-VII-2014.  Ces  dates  sont  étonnamment  tardives si  on  se  réfère  à  la  phénologie  connue  de  l’espèce. Les observations réalisées dans le Tarn s’échelonnent en  effet  de  la  fin  juin  à  début juillet  [Puissant,  2006]  et  les  dates  extrêmes concernant  la  Suisse  sont  le  20  mai  et  le  25 juillet.  Cela  est  d’autant  plus  surprenant  que plusieurs individus chanteurs ont été observés, certains  à  faible  hauteur,  au  début  du  mois d’août. Le 11-VII-2013, seuls quelques individus ont néanmoins été détectés. En 2015, l’espèce a été trouvée de façon abondante sur le même site au  début  du  mois  de  juillet  (7-VII-2015)  alors  qu’elle en avait disparue le 5 août (S. Puissant, comm.  pers.).  Cette  même  année,  plusieurs observations ont également été réalisées dans le Nord  du  Gard  à  la  mi-juin  (C.  Bernier  et  S. Berthelot, comm. pers.). Enfin, son observation dans l’Hérault par David Sannier a été réalisée le 30-VI-2015. La  période  d’apparition  de  l’espèce  sur  le  territoire national est donc beaucoup plus étalée que  ce  que  l’on  pensait  jusqu’à  présent  (fin  juin à première quinzaine de juillet, 
Puissant, 2006
).  Elle s’observe  en  effet,  dans  le  Nord  du  Gard,  entre  la  deuxième  quinzaine  de  juin  et  la  première  quinzaine  d’août,  avec  un  pic  d’abondance probablement situé à la deuxième quinzaine  de  juin.  Au  regard  des  observations précoces de l’espèce en Suisse, l’espèce pourrait même  être  recherchée  en  France  dès  la  fin  du  mois de mai.
Suite  à  sa  découverte  en  2013,  
T.  steveni  a été  à  nouveau  contactée  sur  le  site  de  Sainte-Cécile-d’Andorge les étés 2014 et 2015 (31-VII-2014 et 7-VII-2015). Des mâles ont été capturés en  2013  et  en  2015.  La  plupart  des  mâles  chanteurs détectés étaient postés à la cime de Pins  maritimes  et  d’Aulnes  de  Corse,  entre  4  et  8  m  de  hauteur  en  moyenne.  Les  mâles  chantant  à  faible  hauteur  (1  à  2  m)  n’étaient  cependant  pas  rares,  surtout  au  début  du  mois  de  juillet,  parfois  de  manière  éloignée  des  grands  arbres  les  plus  proches  (>  50  m).  Sur  ce  site  à  l’étude,  les  classes  de  végétation  fréquentées  par  l’espèce  sont  donc  la  lande  haute  fermée  (recouvrement  des  ligneux  >  60  %  ;  hauteur  entre  0,5  et  2  m)  et  le  bois  (recouvrement  des  ligneux  >  40 %  ;  hauteur  > 2 m), ce qui correspond respectivement aux classes  7  et  8  notées  par  Puissant  [2006].  T.  steveni  semble  éviter  les  milieux  arborés  denses  et  a  systématiquement  été  observée  ou  entendue,  en  contexte  boisé,  en  lisière  forestière avec une lande ou une pelouse.
Carte 1. – Répartition actuellement connue en France de 
Tibicina steveni (chorologie départementale) et localisation des stations citées dans le texte.
La  capture  de  l’espèce  était  dans  tous  les  cas   assez   aléatoire,   les   individus   s’arrêtant   généralement  de  cymbaliser  à  leur  approche  et    s’éloignant    vers    d’autres    cimes    à    la    moindre  alerte.  L’espèce  ne  semble  pas  très  exigeante  quant  aux  essences  choisies  pour  la  cymbalisation.   Les   mâles   cymbalisants   sont   le  plus  souvent  observés  sur  des  branches  de  quelques  centimètres  mais  parfois  sur  le  tronc  même de l’arbre.
Dimissalna dimissa (Hagen, 1856)
Nom vernaculaire : la Cigalette farouche 
Deroussen et al. , 2014
.
Description et répartition
La Cigalette farouche appartient à la famille des 
Cicadidae   Latreille,   1802,   sous-famille   des 
Cicadettinae Buckton,  1889.  Récemment  séparée  du  genre  
Tettigetta  Kolenati,  1857,  elle  fut  placée  dans  le  genre  nouveau 
Dimissalna décrit par Boulard [2007] dont elle est l’espèce type.  Ce  genre,  actuellement  monospécifique,  se  caractérise  notamment  par  la  forme  des  pièces   génitales,   différentes   de   celles   des   genres 
Tettigetta   et 
Tettigettalna Puissant,  2010. 
D.  dimissa fait  partie  des  petites  Cigales  de  notre  faune,  avec  un  corps  d’environ  20  mm.  Elle  présente  une  coloration  très  sombre  sur  l’abdomen,  la  tête  et  le  thorax.  Le  
scutum  est  souvent  marqué  de  deux  taches  orangées
(Figure 3). Sa détection 
in situ est assez délicate étant   donné   les   fréquences   élevées   et   peu audibles  de  la  cymbalisation.  Ceci  explique  pourquoi  la  Cigalette  farouche  est  restée  si  longtemps  inaperçue.  La  cymbalisation,  assez  
proche de celle de 
Cicadetta brevipennisFieber 1876, est toutefois caractéristique. 
La  Cigalette  farouche  est  présente  dans  de  nombreux  pays  d’Europe  centrale  (Hongrie,  Roumanie,  Slovénie)  et  des  Balkans  (Albanie, Bulgarie,      Croatie,      Grèce,      Macédoine,    Monténégro  et  probablement  Serbie).  Elle  est également  présente  en  Italie.  Sa  découverte  en France est toute récente : elle a été mise en évidence  en  2010,  simultanément  en  Ardèche  [[Puissant2011 Puissant & Sueur, 2011]  et  dans  le  Var [[Gurcel2011 Gurcel, 2011]. Un des individus identifiés en 
Ardèche, une femelle, provient de la collection d’Henri-Pierre  Aberlenc  et  correspond  à  une  capture  effectuée  dans  le  bois  de  Païolive  le  18-VI-1985  [[Puissant2011 Puissant & Sueur,  2011]].  Des  investigations   personnelles   ont   permis   de   découvrir  l’espèce  dans  le  Gard  en  2011,  sur la  commune  de  Salindres  (30305,  au  nord  du  site  industriel).  La  Cigalette  farouche  a  été  revue en 2015 dans le même secteur (Rousson, 30223,  bassin  de  décantation  de  Ségoussac)  par  Gaël  Delpon  et  David  Sannier  (comm.  pers.).  L’espèce  a  ensuite  été  découverte  sur  les  communes  de  La  Grand-Combe  (30132)  et   Sainte-Cécile-d’Andorge   (30239)   en   2013   de   façon   concomitante   à   
Tibicina   steveni.  Enfin,  nous  avons  pu  l’observer  en  2015  sur  la  commune  des  Salles-du-Gardon  (30307,  La  
Crouzette).
Localisation et description des stations identifiées
En plus de la station précédemment décrite sur La Grand-Combe / Sainte-Cécile-d’Andorge (ancien site minier replanté d’Aulnes de Corse et de Pins maritimes), nous avons donc observé la Cigalette farouche au sein de deux autres sites du Gard. Celui de Salindres correspond à une frênaie (
Fraxinus angustifolia Vahl) au caractère humide marqué.  Situé  en  périphérie  directe  d’un  petit  
cours   d’eau   (affluent   du   Valat   de   l’Arias),  ce  boisement  semble  en  effet  régulièrement  inondé.   Il   s’agit   d’une   frênaie   assez   jeune,  au  sous-bois  clair.  L’observation  de  plusieurs  mâles  en  cymbalisation  indique  une  probable  
reproduction de l’espèce dans ce milieu. Aux   Salles-du-Gardon,   troisième   site   où   nous  l’avons  découverte,  l’espèce  fréquentait  des boisements mésophiles ; plusieurs mâles ont été  détectés  dans  des  feuillus  présents  le  long  d’un  petit  cours  d’eau  (Valat  de  Fréguéirolle)  ;  ce boisement plus diversifié est majoritairement composé  de  Chêne  pubescent.  Les  stations  de  Salindres et des Salles-du-Gardon sont situées à une altitude d’environ 160 m. Pour  comparaison,  la  population  identifiée  dans le Var par Gurcel [2011] est présente dans un boisement thermophile (Chêne vert, Chêne pubescent et nombreux résineux) à une altitude moyenne de 280 m. Au sein du massif forestier du  bois  de  Païolive  (Ardèche)  où  l’espèce  a  également  été  découverte  
Puissant & Sueur, 2011
 ; 
Puissant, 2012, les populations les plus importantes ont été identifiées dans des secteurs dominés  par  le  Chêne  pubescent.  Au  sein  du  massif, la Cigalette farouche a été détectée entre 138  et  240  m  d’altitude  (avec  les  populations  les  plus  importantes  à  215  –  220  m).  Enfin,  la  station  identifiée  à  Rousson  en  2015  par  Gaël  Delpon  et  David  Sannier  correspond  à  des  garrigues  boisées  à  Chêne  vert,  Arbousier  et  
Buis commun (habitat thermophile). 
D. dimissa semble donc assez peu exigeante en  termes  d’habitats  (boisements  caducifoliés  et    résineux,    boisements    thermophiles   et   boisements mésophiles voire hygrophiles). Elle a  jusqu’alors  été  observée  entre  138  et  600  m  d’altitude en France.
Phénologie et comportement
D. dimissa a été découverte à Sainte-Cécile-d’Andorge à la même date que 
Tibicina steveni, soit le 5-VIII-2013, puis à nouveau contactée au même endroit le 11-VIII-2013. Comme pour la première  espèce,  ces  dates  sont  relativement  
tardives  par  rapport  à  ce  qui  était  connu  de  la  phénologie  de  l’espèce  en  France.  La  Cigalette  farouche  a  en  effet  été  contactée  en  Ardèche  à  la  fin  du  mois  de  juin  et  au  début  du mois de juillet [[Puissant2011 Puissant & Sueur, 2011]. 
Les   observations   de   l’espèce   en   2011   dans   le  département  du  Var  par  Gurcel  [2011]  concerne  le  début  et  la  fin  du  mois  de  juillet.  Plus  récemment,  nous  avons  observé  cette  Cigale le 4-VII-2015 aux Salles-du-Gardon, peu 
après  l’observation  de  Gaël  Delpon  et  David  Sannier  sur  la  commune  de  Rousson  (25-VI-2015).  Notre  première  observation  de  l’espèce  dans  le  Gard,  au  nord  du  site  industriel  de  Salindres est beaucoup plus précoce. Plusieurs 
mâles chanteurs ont, en effet, été détectés le 23-V-2011. Il  semble  donc  que  l’on  puisse  observer  la  Cigalette  farouche  en  France  entre  la  fin  du  mois de mai et la mi-août. Lors des observations personnelles de l’espèce dans  le  Nord  du  Gard  entre  2013  et  2015,  la  détection  et  l’identification  des  individus  ont  été  réalisées  par  écoute  des  cymbalisations.  Plusieurs mâles chanteurs ont pu être vus mais aucun  n’a  pu  être  collecté,  la  capture  de  cette  Cigale    s’avérant    particulièrement    délicate.    //D.  dimissa// est  une  Cigale  de  petite  taille,  acrodendrique  (qui  affectionne  la  cime  des  arbres) et plutôt farouche [[Puissant2012 Puissant, 2012]]. La très  grande  majorité  des  mâles  détectés  sur  le  site de Sainte-Cécile-d’Andorge chantaient à la cime  d’Aulnes  de  Corse  et  de  Pins  maritimes  (ainsi  que  quelques  Peupliers  noirs),  à  une  hauteur  moyenne  estimée  à  5  m.  Quelquefois observés en lisière, les chanteurs étaient surtout postés au cœur du boisement, sur des branches de   faible   diamètre.   La   Cigalette   farouche fréquente  donc  majoritairement,  sur  le  site  étudié,  la  classe  8  de  végétation  définie  par  Puissant [2006] : recouvrement des ligneux > 40 % ; hauteur > 2 m
Figure 3. –  Imago de Dimissalna dimissa, Flassans-sur-Issole (Var), 3-VII-2013 (cliché Kevin Gurcel).
Carte  2.  –  Répartition  actuellement  connue  en  France    de    Dimissalna    dimissa (chorologie départementale) et localisation des stations citées dans le texte
Peuplement de Cigales du site de Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard)
Outre  la  présence  de  
Tibicina  steveni et  de  
Dimissalna  dimissa,  le  peuplement  de  Cigales  du  site  de  Sainte-Cécile-d’Andorge  présente  deux autres points remarquables. Le  premier  est  la  richesse  spécifique  en  Cicadidae  hébergée  par  ce  site.  En  effet,  sur  moins  de  100  ha,  six  espèces  ont  pu  être  identifiées : 
– deux Cicadinae : 
-  Cicada orni (L., 1758),
-  Lyristes plebejus (Scopoli, 1763),
– deux Cicadettinae :
-  Dimissalna dimissa, 
- Tettigettalna argentata Olivier, 1790, 
– deux Tibicininae :
-  Tibicina quadrisignata (Hagen, 1855),
-  Tibicina steveni.
Il  s’agit  ici  d’une  diversité  élevée,  surtout  si  l’on considère le caractère anthropogène du site (friches et plantations d’arbres exogènes sur un ancien site minier). Le   second   est   l’observation   simultanée   de  deux  espèces  de  
Tibicina  : 
T.  steveni  et  
T.  quadrisignata.  Les  espèces  de  ce  genre  sont  en  effet  connues  pour  être  soit  allopatriques,  soit   syntopiques   mais   dans   ce   dernier   cas   allochroniques   (Puissant & Sueur,  2002 {sic} ; 
Puissant, 2006
). À notre connaissance, le seul cas  de  syntopie  entre  ces  deux  espèces  a  été  signalé  en  Suisse,  à  la  station  du  val  d’Hérens 
Hertach  &  Nagel,  2013
. À  Sainte-Cécile-d’Andorge, les deux espèces ont été capturées au début du mois d’août 2013 et au début du mois de juillet 2015. Bien qu’il y ait un net décalage concernant les pics d’émergence (probablement situés  vers  la  fin  juin  pour  
T.  steveni et  vers  la  fin juillet pour 
T. quadrisignata), il existe ici un chevauchement dans leur apparition. La durée de cette période d’apparition simultanée devra être  précisée  dans  les  prochaines  années.  De  même,  il  sera  important  de  mieux  caractériser  localement  la  répartition  spatiale  de  ces  deux  taxons  pour  savoir  si  nous  sommes  ici  dans  la  zone  de  contact  entre  les  populations  de  ces  espèces, ou bien si ces dernières cohabitent plus largement.
Discussion
Les   Cigales   sont,   à   l’instar   d’une   majorité  d’insectes,  encore  méconnues  en  France.  De  nombreuses lacunes existent en ce qui concerne l’écologie   des    vingt    espèces    actuellement  connues  dans  notre  pays  mais  également  en  ce qui concerne leur répartition géographique. Certaines  sont  même  passées  inaperçues  en  France jusqu’à récemment, comme cela a été le cas pour 
Dimissalna dimissa et 
Tibicina steveni. Plusieurs  hypothèses  pourraient  expliquer  la  rareté apparente de ces espèces dans notre pays : populations relictuelles, récentes introductions, faible engouement pour le groupe, difficultés de détection ou d’identification, etc. Il est certain que  le  nombre  de  naturalistes,  exerçant  leur  métier et/ou pratiquant leur passion dans le Sud de la France et susceptibles de faire remonter des observations de Cigales, a décuplé ces dernières années. Grâce à la parution récente de travaux sur  l’écologie  des  Cigales  
Puissant,  2006
  et  sur leurs émissions sonores 
Deroussen et al., 2014
 ; Gogala,  en  ligne, mais  également  à  la  faveur  du  développement  d’outils  de  sciences participatives  (site  de  l’ONEM,  Observatoire  naturaliste  des  écosystèmes  méditerranéens),  l’engouement  des  naturalistes  pour  le  groupe  des Cigales paraît grandissant. La  découverte  de  
Tibicina  steveni dans  le  Gard, puis dans l’Aveyron et l’Hérault, offre de nouvelles  perspectives.  Il  est  fort  à  parier  que  l’espèce  sera  trouvée  à  l’avenir  dans  d’autres  départements ou régions, notamment au sein de l’étage subméditerranéen tempéré sx 3. Comme le montre la Carte 1, l’espèce a été découverte à quelques kilomètres des départements du Tarn-et-Garonne, de l’Aude, de Lozère et de l’Ardèche. Pareillement, 
Dimissalna  dimissa,  petite  Cigale  des  hauts  de  cimes  à  la  cymbalisation  peu  audible, était inconnue en France jusqu’à peu. Il  est  fort  probable  qu’étant  donné  les  faibles  exigences  qui  semblent  être  siennes  en  termes  de  biotope,  elle  soit  dans  le  futur,  découverte  dans d’autres régions françaises.
Remerciements
Un remerciement tout particulier est adressé à Stéphane Puissant, cicadologue et ami, qui  a  confirmé  l’identification  et  la  présence  des  deux espèces sur le site étudié, a apporté ses conseils avisés  et  s’est  rendu  disponible  pour  la  relecture  
de  la  présente  note.  Je  tiens  également  à  remercier Stéphane  Jaulin  et  Agnès  Horn  pour  leur  relecture  de  l’article,  ainsi  que  Christophe  Bernier,  Stéphane  Berthelot  et  David  Sannier  pour  leur  partage  de  connaissances  et  de  données.  Enfin,  Kévin  Gurcel  est remercié pour la mise à disposition du cliché de 
Dimissalna dimissaréalisé dans le Var.
Références bibliographiques
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Manuscrit reçu le 8 juin 2016, accepté le 12 août 2016.