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Enquête Cigales

Vous pouvez continuer à transmettre vos observations en ligne, l'enquête n'est pas "bouclée" comme certains d'entre pouvaient le penser. On travaille sur la synthèse nationale, mais nous avons beaucoup de retard et la parution n'interviendra, au mieux, qu'au printemps 2018. Onem France



Découverte de Tibicina steveni (Krynicki, 1837) et de Dimissalna dimissa (Hagen, 1856) en Languedoc – Roussillon (Hemiptera Cicadidae)


Jérémie FEVRIER, 3 impasse des Mouchères, f-34160 Sussargues
jefevrierArobazgmailPointcom

Résumé

Dimissalna dimissa (Hagen, 1856) et Tibicina steveni (Krynicki, 1837), deux espèces de Cigales considérées comme très rares en France et inconnues de la région Languedoc-Roussillon, ont été découvertes début août 2013 sur les communes de Sainte-Cécile-d’Andorge et de La Grand-Combe dans le département du Gard. Des éléments de comparaison relatifs aux biotopes et à la phénologie de ces espèces sur le site et ailleurs en France sont exposés. La richesse spécifique en cigales observées in situ est discutée ainsi que l’exceptionnelle sympatrie de T. steveni avec T. quadrisignata (Hagen, 1855).

Summary


Dimissalna dimissa (Hagen, 1856) and Tibicina steveni (Krynicki, 1837), two species of cicadas considered as very rare in France and unknown to the Languedoc-Roussillon region were observed in 2013 in the localities of Sainte-Cécile-d’Andorge and La Grand-Combe in the department of Gard. Elements related to their habitat and phenology are compared with data from others sites in France. Cicadas specific richness in the studied site as well as the remarkable sympatry of T. steveni with T. quadrisignata (Hagen, 1855) are discussed.

Keywords


Cicadidae, Tibicina steveni, Dimissalna dimissa, Sympatry, Languedoc-Roussillon, France

Introduction


Des inventaires entomologiques furent menés, dans un cadre professionnel et en compagnie de Stéphane Berthelot, dans le Nord du département du Gard au milieu de l’été 2013. C’est à cette occasion que furent découvertes deux espèces de Cigales considérées comme très rares en France, et inconnues de la région Languedoc-Roussillon. La Cigalette farouche, Dimissalna dimissa (Hagen, 1856), fut détectée et identifiée au chant, puis observée à plusieurs reprises. La seconde espèce, la Cigale de Steven, Tibicina steveni (Krynicki, 1837), fut également repérée à partir des émissions sonores, puis identifiée après capture. Un deuxième passage en été 2013 en compagnie de Stéphane Puissant, cicadologue français à l’origine de la découverte des deux espèces en France Sueur et al., 2003; Puissant & Sueur, 2011
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, permit de confirmer leur présence sur le site.

Tibicina steveni (Krynicki, 1837)


Nom vernaculaire
la Cigale de Steven Puissant, 2006
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; Deroussen et al., 2014
?
.

Description et répartition
Tibicina steveni fait partie de la famille des Cicadidae Latreille, 1802 et de la sous-famille des Tibicininae Distant, 1905. C’est une des plus grosses espèces françaises du genre TibicinaKolenati, 1857 (au nombre de sept, dont une représentée par deux sous-espèces), avec une longueur d’environ 28 mm. Ressemblant à d’autres espèces du genre, et notamment à T. haematodes (Scopoli, 1763) avec laquelle elle fut longtemps confondue, elle s’en distingue notamment par l’aire externe du prothorax orangé clair et large, et par une ornementation orangeâtre relativement caractéristique du scutum (Figure 1). En outre, la forme des genitalia est spécifique, tout particulièrement au niveau de l’apex arrondi de l’édéage et de la longueur de l’apex endosomal (Figure 2). Enfin, la cymbalisation d’appel est différente entre les espèces mais elle nécessite un bon enregistrement et une analyse fine par logiciel acoustique (nombre de groupes de pulsations par seconde rapportés à la fréquence dominante Sueur & Aubin, 2003).

La Cigale de Steven était considérée comme une espèce d’Europe de l’Est (elle est parfois appelée Cigale orientale). Elle était, en effet, connue jusqu’à peu uniquement de Turquie, de Crimée (Ukraine), du Caucase (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) et de Macédoine Sueur et al., 2003. Elle est également citée plus récemment de Bulgarie Gogala et al., 2005
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. Sa présence en Europe de l’Ouest n’est avérée que depuis peu : 2002 pour la France et 2003 pour la Suisse Sueur et al., 2003, et plus récemment encore pour l’Italie Hertach & Nagel, 2013
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. En France, T. steveni est considérée comme une espèce relictuelle. Jusqu’en 2013, T. steveni n’était connue que d’une unique station localisée dans le Tarn (Castelnau-de-Montmiral, 81064) à environ 180 km à l’ouest de Sainte-Cécile-d’Andorge. Depuis sa découverte dans le Gard, sa présence a été avérée dans d’autres stations du Nord de ce département Bernier et al., en ligne ; [S. Berthelot, comm. pers.], ainsi que dans l’Aveyron, commune de Connac (12075) à Lavabre Deroussen et al., 2014
?
. Elle a également été décelée en 2015 dans le département de l’Hérault par David Sannier (comm. pers.) sur la commune de Riols (34229, col de Tanarès).

(Carte 1) Localisation et description du site Le site où fut découverte

T. steveni en 2013 est localisée sur les communes de Sainte-Cécile-d’Andorge (30239) et de La Grand-Combe (30132), dans le Nord du Gard (à quelques kilomètres de la Lozère). Les stations mises en évidence sont situées à une altitude variant entre 570 et 600 m, dans l’étage subaxérique tempéré (ou subméditerranéen tempéré), sx 3 selon Defaut [2001], et sur substrat siliceux. Il s’agit d’un ancien site minier industriel, majoritairement replanté d’Aulne de Corse, Alnus cordata (Loisel.) Duby, et de Pin maritime, Pinus pinaster Aiton. La plupart des individus ont été contactés dans des secteurs de matorral arborescent dominé par ces deux essences (Corine Biotopes 32.141 × 83.325). La hauteur moyenne des arbres était alors d’environ 5 m. Certains individus ont également été détectés dans des milieux boisés plus matures (Corine Biotopes 42.82 ; hauteur des arbres d’environ 10 m) dominés par le Pin maritime, en mélange avec quelques Bouleaux verruqueux et Chênes pubescents. Ces milieux arborés sont présents sur le site en mosaïque avec des biotopes plus ouverts de friches et matorrals (Corine Biotopes 87.1 × 32.141). Une autre station de T. steveni a été découverte en 2015 sur la commune de La Grand-Combe par Stéphane Berthelot (comm. pers.). Cette station géographiquement proche correspond aux mêmes biotopes (plantations de Pin maritime et d’Aulne de Corse), mais à une altitude inférieure (350 m).

Figure 1. – Imago de Tibicina steveni capturé à Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard) en août 2013 (cliché Jérémie Fevrier).
Figure 2. – Genitalia d’un imago collecté sur la station de Sainte-Cécile-d’Andorge en juillet 2015 (cliché Jérémie Fevrier).

Pour comparaison, la station tarnaise de Castelnau-de-Montmirail est située à une altitude inférieure (290 m), au sein de boisements de Chênes pubescents (Quercion pubescenti-petraeae). L’observation récente de l’espèce dans l’Hérault (David Sannier, comm. pers.) concerne un boisement de Chêne vert sur terrain siliceux. La station est située sur un versant exposé plein sud et à une altitude d’environ 510 m. Il serait important de vérifier si, à l’instar des stations du Tarn et du Gard, elle s’inscrit également dans l’étage subaxérique tempéré (sx 3) ou s’il s’agit plutôt de l’étage xérique subhumide tempéré (sh 3). En Suisse, l’espèce est connue entre 500 et 1300 m d’altitude, au sein de l’étage subaxérique tempéré (sx 3) où elle transgresse dans l’étage subaxérique frais (sx 4). Elle est citée, dans ce pays, au sein de boisements à Chêne pubescent (Quercion pubescenti-petraeae), mais également au sein de pinèdes (Ononido-Pinion) et de vignobles en terrasses exposées au sud. La Cigale de Steven est donc observée dans une large gamme d’habitats (chênaie pubescente, chênaie verte, pinède, vignoble), mais sa distribution semble principalement associée à l’étage subaxérique tempéré (sx 3).

Phénologie et comportement


T. steveni fut découverte sur la station de Sainte-Cécile-d’Andorge le 5-VIII-2013, puis de nouveau contactée le 11-VII-2013 en compagnie de Stéphane Puissant. Ce dernier put procéder à l’enregistrement de plusieurs mâles le 15-VII-2014. Ces dates sont étonnamment tardives si on se réfère à la phénologie connue de l’espèce. Les observations réalisées dans le Tarn s’échelonnent en effet de la fin juin à début juillet [Puissant, 2006] et les dates extrêmes concernant la Suisse sont le 20 mai et le 25 juillet. Cela est d’autant plus surprenant que plusieurs individus chanteurs ont été observés, certains à faible hauteur, au début du mois d’août. Le 11-VII-2013, seuls quelques individus ont néanmoins été détectés. En 2015, l’espèce a été trouvée de façon abondante sur le même site au début du mois de juillet (7-VII-2015) alors qu’elle en avait disparue le 5 août (S. Puissant, comm. pers.). Cette même année, plusieurs observations ont également été réalisées dans le Nord du Gard à la mi-juin (C. Bernier et S. Berthelot, comm. pers.). Enfin, son observation dans l’Hérault par David Sannier a été réalisée le 30-VI-2015. La période d’apparition de l’espèce sur le territoire national est donc beaucoup plus étalée que ce que l’on pensait jusqu’à présent (fin juin à première quinzaine de juillet, Puissant, 2006
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). Elle s’observe en effet, dans le Nord du Gard, entre la deuxième quinzaine de juin et la première quinzaine d’août, avec un pic d’abondance probablement situé à la deuxième quinzaine de juin. Au regard des observations précoces de l’espèce en Suisse, l’espèce pourrait même être recherchée en France dès la fin du mois de mai.

Suite à sa découverte en 2013, T. steveni a été à nouveau contactée sur le site de Sainte-Cécile-d’Andorge les étés 2014 et 2015 (31-VII-2014 et 7-VII-2015). Des mâles ont été capturés en 2013 et en 2015. La plupart des mâles chanteurs détectés étaient postés à la cime de Pins maritimes et d’Aulnes de Corse, entre 4 et 8 m de hauteur en moyenne. Les mâles chantant à faible hauteur (1 à 2 m) n’étaient cependant pas rares, surtout au début du mois de juillet, parfois de manière éloignée des grands arbres les plus proches (> 50 m). Sur ce site à l’étude, les classes de végétation fréquentées par l’espèce sont donc la lande haute fermée (recouvrement des ligneux > 60 % ; hauteur entre 0,5 et 2 m) et le bois (recouvrement des ligneux > 40 % ; hauteur > 2 m), ce qui correspond respectivement aux classes 7 et 8 notées par Puissant [2006]. T. steveni semble éviter les milieux arborés denses et a systématiquement été observée ou entendue, en contexte boisé, en lisière forestière avec une lande ou une pelouse.

Carte 1. – Répartition actuellement connue en France de Tibicina steveni (chorologie départementale) et localisation des stations citées dans le texte.

La capture de l’espèce était dans tous les cas assez aléatoire, les individus s’arrêtant généralement de cymbaliser à leur approche et s’éloignant vers d’autres cimes à la moindre alerte. L’espèce ne semble pas très exigeante quant aux essences choisies pour la cymbalisation. Les mâles cymbalisants sont le plus souvent observés sur des branches de quelques centimètres mais parfois sur le tronc même de l’arbre.

Dimissalna dimissa (Hagen, 1856)


Nom vernaculaire : la Cigalette farouche Deroussen et al. , 2014
?
.

Description et répartition

La Cigalette farouche appartient à la famille des Cicadidae Latreille, 1802, sous-famille des Cicadettinae Buckton, 1889. Récemment séparée du genre Tettigetta Kolenati, 1857, elle fut placée dans le genre nouveau Dimissalna décrit par Boulard [2007] dont elle est l’espèce type. Ce genre, actuellement monospécifique, se caractérise notamment par la forme des pièces génitales, différentes de celles des genres Tettigetta et Tettigettalna Puissant, 2010.

D. dimissa fait partie des petites Cigales de notre faune, avec un corps d’environ 20 mm. Elle présente une coloration très sombre sur l’abdomen, la tête et le thorax. Le scutum est souvent marqué de deux taches orangées (Figure 3). Sa détection in situ est assez délicate étant donné les fréquences élevées et peu audibles de la cymbalisation. Ceci explique pourquoi la Cigalette farouche est restée si longtemps inaperçue. La cymbalisation, assez proche de celle de Cicadetta brevipennisFieber 1876, est toutefois caractéristique.

La Cigalette farouche est présente dans de nombreux pays d’Europe centrale (Hongrie, Roumanie, Slovénie) et des Balkans (Albanie, Bulgarie, Croatie, Grèce, Macédoine, Monténégro et probablement Serbie). Elle est également présente en Italie. Sa découverte en France est toute récente : elle a été mise en évidence en 2010, simultanément en Ardèche Puissant & Sueur, 2011] et dans le Var Gurcel2011 Gurcel, 2011]. Un des individus identifiés en Ardèche, une femelle, provient de la collection d’Henri-Pierre Aberlenc et correspond à une capture effectuée dans le bois de Païolive le 18-VI-1985 Puissant2011 Puissant & Sueur, 2011
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. Des investigations personnelles ont permis de découvrir l’espèce dans le Gard en 2011, sur la commune de Salindres (30305, au nord du site industriel). La Cigalette farouche a été revue en 2015 dans le même secteur (Rousson, 30223, bassin de décantation de Ségoussac) par Gaël Delpon et David Sannier (comm. pers.). L’espèce a ensuite été découverte sur les communes de La Grand-Combe (30132) et Sainte-Cécile-d’Andorge (30239) en 2013 de façon concomitante à Tibicina steveni. Enfin, nous avons pu l’observer en 2015 sur la commune des Salles-du-Gardon (30307, La
Crouzette).

Localisation et description des stations identifiées

En plus de la station précédemment décrite sur La Grand-Combe / Sainte-Cécile-d’Andorge (ancien site minier replanté d’Aulnes de Corse et de Pins maritimes), nous avons donc observé la Cigalette farouche au sein de deux autres sites du Gard. Celui de Salindres correspond à une frênaie (Fraxinus angustifolia Vahl) au caractère humide marqué. Situé en périphérie directe d’un petit cours d’eau (affluent du Valat de l’Arias), ce boisement semble en effet régulièrement inondé. Il s’agit d’une frênaie assez jeune, au sous-bois clair. L’observation de plusieurs mâles en cymbalisation indique une probable reproduction de l’espèce dans ce milieu. Aux Salles-du-Gardon, troisième site où nous l’avons découverte, l’espèce fréquentait des boisements mésophiles ; plusieurs mâles ont été détectés dans des feuillus présents le long d’un petit cours d’eau (Valat de Fréguéirolle) ; ce boisement plus diversifié est majoritairement composé de Chêne pubescent. Les stations de Salindres et des Salles-du-Gardon sont situées à une altitude d’environ 160 m. Pour comparaison, la population identifiée dans le Var par Gurcel [2011] est présente dans un boisement thermophile (Chêne vert, Chêne pubescent et nombreux résineux) à une altitude moyenne de 280 m. Au sein du massif forestier du bois de Païolive (Ardèche) où l’espèce a également été découverte Puissant & Sueur, 2011
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; Puissant, 2012, les populations les plus importantes ont été identifiées dans des secteurs dominés par le Chêne pubescent. Au sein du massif, la Cigalette farouche a été détectée entre 138 et 240 m d’altitude (avec les populations les plus importantes à 215 – 220 m). Enfin, la station identifiée à Rousson en 2015 par Gaël Delpon et David Sannier correspond à des garrigues boisées à Chêne vert, Arbousier et Buis commun (habitat thermophile). D. dimissa semble donc assez peu exigeante en termes d’habitats (boisements caducifoliés et résineux, boisements thermophiles et boisements mésophiles voire hygrophiles). Elle a jusqu’alors été observée entre 138 et 600 m d’altitude en France.

Phénologie et comportement


D. dimissa a été découverte à Sainte-Cécile-d’Andorge à la même date que Tibicina steveni, soit le 5-VIII-2013, puis à nouveau contactée au même endroit le 11-VIII-2013. Comme pour la première espèce, ces dates sont relativement tardives par rapport à ce qui était connu de la phénologie de l’espèce en France. La Cigalette farouche a en effet été contactée en Ardèche à la fin du mois de juin et au début du mois de juillet Puissant & Sueur, 2011]. Les observations de l’espèce en 2011 dans le département du Var par Gurcel [2011] concerne le début et la fin du mois de juillet. Plus récemment, nous avons observé cette Cigale le 4-VII-2015 aux Salles-du-Gardon, peu après l’observation de Gaël Delpon et David Sannier sur la commune de Rousson (25-VI-2015). Notre première observation de l’espèce dans le Gard, au nord du site industriel de Salindres est beaucoup plus précoce. Plusieurs mâles chanteurs ont, en effet, été détectés le 23-V-2011. Il semble donc que l’on puisse observer la Cigalette farouche en France entre la fin du mois de mai et la mi-août. Lors des observations personnelles de l’espèce dans le Nord du Gard entre 2013 et 2015, la détection et l’identification des individus ont été réalisées par écoute des cymbalisations. Plusieurs mâles chanteurs ont pu être vus mais aucun n’a pu être collecté, la capture de cette Cigale s’avérant particulièrement délicate. //D. dimissa// est une Cigale de petite taille, acrodendrique (qui affectionne la cime des arbres) et plutôt farouche Puissant2012 Puissant, 2012
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. La très grande majorité des mâles détectés sur le site de Sainte-Cécile-d’Andorge chantaient à la cime d’Aulnes de Corse et de Pins maritimes (ainsi que quelques Peupliers noirs), à une hauteur moyenne estimée à 5 m. Quelquefois observés en lisière, les chanteurs étaient surtout postés au cœur du boisement, sur des branches de faible diamètre. La Cigalette farouche fréquente donc majoritairement, sur le site étudié, la classe 8 de végétation définie par Puissant [2006] : recouvrement des ligneux > 40 % ; hauteur > 2 m

Figure 3. – Imago de Dimissalna dimissa, Flassans-sur-Issole (Var), 3-VII-2013 (cliché Kevin Gurcel).

Carte 2. – Répartition actuellement connue en France de Dimissalna dimissa (chorologie départementale) et localisation des stations citées dans le texte

Peuplement de Cigales du site de Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard)


Outre la présence de Tibicina steveni et de Dimissalna dimissa, le peuplement de Cigales du site de Sainte-Cécile-d’Andorge présente deux autres points remarquables. Le premier est la richesse spécifique en Cicadidae hébergée par ce site. En effet, sur moins de 100 ha, six espèces ont pu être identifiées :
– deux Cicadinae :
  • Cicada orni (L., 1758),
  • Lyristes plebejus (Scopoli, 1763),
– deux Cicadettinae :
  • Dimissalna dimissa,
  • Tettigettalna argentata Olivier, 1790,
– deux Tibicininae :
  • Tibicina quadrisignata (Hagen, 1855),
  • Tibicina steveni.

Il s’agit ici d’une diversité élevée, surtout si l’on considère le caractère anthropogène du site (friches et plantations d’arbres exogènes sur un ancien site minier). Le second est l’observation simultanée de deux espèces de Tibicina : T. steveni et T. quadrisignata. Les espèces de ce genre sont en effet connues pour être soit allopatriques, soit syntopiques mais dans ce dernier cas allochroniques (Puissant & Sueur, 2002 {sic} ; Puissant, 2006
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). À notre connaissance, le seul cas de syntopie entre ces deux espèces a été signalé en Suisse, à la station du val d’Hérens Hertach & Nagel, 2013
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. À Sainte-Cécile-d’Andorge, les deux espèces ont été capturées au début du mois d’août 2013 et au début du mois de juillet 2015. Bien qu’il y ait un net décalage concernant les pics d’émergence (probablement situés vers la fin juin pour T. steveni et vers la fin juillet pour T. quadrisignata), il existe ici un chevauchement dans leur apparition. La durée de cette période d’apparition simultanée devra être précisée dans les prochaines années. De même, il sera important de mieux caractériser localement la répartition spatiale de ces deux taxons pour savoir si nous sommes ici dans la zone de contact entre les populations de ces espèces, ou bien si ces dernières cohabitent plus largement.

Discussion


Les Cigales sont, à l’instar d’une majorité d’insectes, encore méconnues en France. De nombreuses lacunes existent en ce qui concerne l’écologie des vingt espèces actuellement connues dans notre pays mais également en ce qui concerne leur répartition géographique. Certaines sont même passées inaperçues en France jusqu’à récemment, comme cela a été le cas pour Dimissalna dimissa et Tibicina steveni. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la rareté apparente de ces espèces dans notre pays : populations relictuelles, récentes introductions, faible engouement pour le groupe, difficultés de détection ou d’identification, etc. Il est certain que le nombre de naturalistes, exerçant leur métier et/ou pratiquant leur passion dans le Sud de la France et susceptibles de faire remonter des observations de Cigales, a décuplé ces dernières années. Grâce à la parution récente de travaux sur l’écologie des Cigales Puissant, 2006
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et sur leurs émissions sonores Deroussen et al., 2014
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; Gogala, en ligne, mais également à la faveur du développement d’outils de sciences participatives (site de l’ONEM, Observatoire naturaliste des écosystèmes méditerranéens), l’engouement des naturalistes pour le groupe des Cigales paraît grandissant. La découverte de Tibicina steveni dans le Gard, puis dans l’Aveyron et l’Hérault, offre de nouvelles perspectives. Il est fort à parier que l’espèce sera trouvée à l’avenir dans d’autres départements ou régions, notamment au sein de l’étage subméditerranéen tempéré sx 3. Comme le montre la Carte 1, l’espèce a été découverte à quelques kilomètres des départements du Tarn-et-Garonne, de l’Aude, de Lozère et de l’Ardèche. Pareillement, Dimissalna dimissa, petite Cigale des hauts de cimes à la cymbalisation peu audible, était inconnue en France jusqu’à peu. Il est fort probable qu’étant donné les faibles exigences qui semblent être siennes en termes de biotope, elle soit dans le futur, découverte dans d’autres régions françaises.

Remerciements


Un remerciement tout particulier est adressé à Stéphane Puissant, cicadologue et ami, qui a confirmé l’identification et la présence des deux espèces sur le site étudié, a apporté ses conseils avisés et s’est rendu disponible pour la relecture de la présente note. Je tiens également à remercier Stéphane Jaulin et Agnès Horn pour leur relecture de l’article, ainsi que Christophe Bernier, Stéphane Berthelot et David Sannier pour leur partage de connaissances et de données. Enfin, Kévin Gurcel est remercié pour la mise à disposition du cliché de Dimissalna dimissaréalisé dans le Var.

Références bibliographiques


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Manuscrit reçu le 8 juin 2016, accepté le 12 août 2016.
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