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Enquête Pélobate cultripède

Crapaud aux yeux d'or, "crapaud à couteaux" sitôt dérangé, sitôt enfoui au plus profond du sable... Un amphibien qui recèle encore bien des mystères...
Appel à initiative : ce projet cherche un initiateur pour se poursuivre.
Ceci est une version archivée de Petit1958 à 2013-01-25 22:40:00.

Nouvelle pullulation de Pélobates dans la région du Canet (Pyrénées-Orientales)


Un quotidien de Perpignan signalait en date du 13 juillet 1956, qu'à l'occasion d'une forte averse, des "quantités de grenouilles étaitent tombées sur Canet-Plage... Une habitante d'une villa n'entra chez elle qu'avec difficultés, les grenouilles tombées du ciel... obstruaient le passage".
Le journal ajoutait : ce n'est pas la première fois que ce phénomène se produit en Roussillon.
Effectivement, une pullulation analogue avait été signalée par même journale, en 1951, par nuit d'orage, sur la route Canet à Perpignan (30 juillet-1er juillet), et cette pullulation avait été mentionnée par l'un de nous, au cours d'observations générales sur l'abondance exceptionnelle de Pélobates dans la région, à cette époque (Vie et Milieux, II.3.1951). Car il n'agit point de grenouilles, mais bien du Pélobate {Pelobates cultripes (Cuv.)}.
Le 30 juin 1951, il avait plu dans plusieurs régions du département, et notamment dans la vallée du Tech, mais les postes d'Argelès et de Perpignan, n'avaient pas enregistré de chutes de pluie.
Nous ne pensons pas qu'une apparition aussi massive et aussi spectaculaire se soit produite entre les dates ci-dessus mentionnées, espacées de cinq années, presque jour pour jour.
C'est dans la nuit du 12 au 13 juillet 1956, qu'à la suite d'un violent orage, la route entre Canet-Plage et Canet-Village, fut envahit par ces batraciens. Ce jour-là, la station météorologique de Perpignan a enregisté 21,5 mm de pluie.
Quoi qu'il en soit, vers 4 heures du matin, un chauffeur allant prendre son camion dans un garage, avait aperçu les premiers Pélobates traversant la route de l'Ouest vers l'Est. Moins d'une heure plus tard, on pouvait les compter par milliers. A certains endroits les autos devaient ralentir pour ne pas déraper sur les cadavres fraîchement écrasés de Batraciens.
Nous n'avons pas pu nous rendre sur place le 18 juillet. Quelques corps aplatis se trouvaient encore sur les bas-côtés de la route, en quittant Canet-Plage vers Canet-Village. Mais la route goudronnée portait l'empreinte blanchâtre des corps écrasés dont quelques fragments étaient encore incrustés dans le sol.
Le lieu de la pullulation de 1956 correspond exactement à celui de la pullulation de 1951. D'après certains témoignages, les Pélobates quittaient les bas-fonds marécageux autrefois occupés par l'étand du Canet qui se trouvent au Nord et en contre-bas du château Sauvy, et traversaient la route nationale dans la même direction. Ils se pressaient particulièrement nombreux, au débouché des chemins de terre, reliant les champs à la route. Du reste, c'est là que les empreintes étaient plus denses. Nous avons pu en compter 120 au m2.
En pleine route, la moyenne des traces était de l'ordre de 20 au m2. On pouvait donc compter en moyenne, et au minimum, 30 cadavres au m2, sur la largeur de 6 mètres, que est celle de la route. Toujours le 18 juillet, nous avons pu constater la présence d'empreintes des corps écrasés, sur une longueur de 2,5 km, ce qui représentait, au bas mot, un total de 450 000 cadavres de Pélobates. En réalité, comme nous avons pu le noter encore peu de temps après, les cadavres s'étendaient au-delà des 2,5 km parcourus par nous le jour de notre enquête.
Nous avons recueilli 18 cadavres aplatis d'une longueur moyenne de 31,5 mm, le plus long mesurant 40 et le plus petit 24 mm. Deux spécimens présentaient encore un rudiment de caudale. Les exemplaires écrasés ramassés par nous en 1951, mesuraient de 34 à 36 mm. Aucun ne présentait de trace de caudale.
Les deux cas de pullulation (1951-1956) se sont manifestés dans des conditions identiques : nuit, orage et pluie violent. En outre, dans les deux cas, il s'agit d'une migration massive et orientée. En 1951, comme en 1956, les Pélobates traversaient tous la route Canet-Village-Canet-Plage, vers l'est.
Selon des témoignages au sujet de migrations plus anciennes, les Pélobates qui se heurtent à un obstacle (margelles de trottoir, murs), s'entassent les uns sur les autres en une masse grouillante de plusieurs centimètres d'épaisseur, parfois jusqu'à à 50 cm. Nous regrettions de n'avoir pu faire d'observations directes sur ce curieux phénomène ; toutefois nous pensons qu'il n'est pas sans intérêt de le signaler à nouveau (1).

PETIT G. & H. LOMONT

(1) Les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences ont publié, sous la rubrique "Météorologies" (T. 3, 1836, p. 54-55) et sous le titre "Pluie de Crapauds", l'extrait d'une lettre qu'un nommé PONTUS, professeur à Cahors, écrivait à F. ARAGO.
Cette "pluie" de crapauds eut lieu en août 1804, vers 4 de l'après-midi, à la Conseillère (3 lieues de Toulouse), après un violent orage. Les passagers de la diligence d'Albi à Toulouse en furent les témoins. Nous citons la partie la plus intéressante des extraits de la lettre de PONTUS, elle cadre avec les observations recueillies par nous en 1951 et 1956 : "La diligence eut bientôt atteint le lieu où le nuage avait crevé... La grande route et tous les champs qui la longaient à droite et à gauche, étaient jonchés de crapauds, dont le plus petit avait au moins le volume d'un pouce cube, et le plus grand près de deux pouces, ce qui fit me fit conjecture que ces crapauds avaient dépasé l'âge d'une ou deux mois. J'en vis jusqu'à 3 ou 4 lieues superposés les uns sur les autres. Les pieds des chevaux et les roues de la voitures en écrasèrent plusieurs milliers. Certains voyageurs voulaient fermer les stores afin de les empêcher d'entrer dans la voiture : leurs bonds devaient le faire craindre ; je m'y opposai et ne discontinuai pas de les observer. Nous voyageâmes sur ce pavé vivant pendant un quart d'heures au moins ; les chevaux allaient au trot."

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