La Proserpine Zerynthia rumina, un éclat de couleurs printanier
>
Télécharger l'article
>
Texte original en anglais
Le début du printemps voit coïncide avec l'apparition dans de nombreuses régions arides de Catalogne du plus petit et du plus coloré de tous les Papilionidae, la Proserpine
Zerynthia rumina. Ce papillon inconfondable dépend de l'Aristoloche pistoloche
Aristolochia pistolochia, une plante calcicole qui est l'unique plante-hôte des chenilles. Bien qu'autrefois la Proserpine était considérée comme un papillon rare, il a été recensé de la plupart des pays Catalans et même de plusieurs secteur typiquement Pyrénéens. Malgré tout, ses populations sont généralement numériquement faibles, sa période de vol est relativement courte et dans la plupart des cas l'espèce n'est plus visible à partir de la mi-mai.
Distribution géographique et situation au sein du CBMS
La proserpine
Z. rumina occupe seulement l'Afrique du Nord, la péninsule Ibérique et le sud de la France (1). Dans la plupart de ses stations françaises, la Proserpine vole en sympatrie avec la Diane
Z. polyxena, une espèce proche qui remplace la Proserpine dans le sud-est de l'Europe (2). La Proserpine est largement répandue à travers la péninsule Ibérique et à été recensée dans l'ensemble des provinces Espagnoles, à l'exception des trois suivantes : Asturias, Vizcaya and Guipúscoa (3); Elle est absente des contrées les plus septentrionales de la péninsule (qui inclut les hautes montagnes des Pyrénées) et des Iles Baléares. En Catalogne, c'est l'une des rares espèces qui a été soigneusement étudiée (4,5). Malgré des populations souvent petites et localisées, elle vole presque partout dans la région, dans 32 des 41 pays que compte la Catalogne. Des recherches supplémentaires permettraient de la trouver ailleurs. Sa carte de répartition indique qu'elle préfère les zones de faible altitude, par exemple les collines côtières ou pré-côtières, mais elle vole aussi dans une grande partie du piémont Pyrénéen et sur de vastes territoires de la dépression de l'Èbre. En règle générale, ce papillon est étroitement lié aux milieux arides et évite soigneusement les zones humides et les hautes montagnes. Au sein du CBMS, la Proserpine est présente à ce jour dans 20 des 76 stations catalanes (fig. 1). Les densités les plus importantes concernent le Massif del Garraf et la vallée du Llobregat (par exemple, Sallent et Gironella). Dans les montagnes de Prades et de Montmell, ainsi que dans différents sites de la dépression de l'Èbre, les populations sont de densité intermédiaire, alors que dans les autres stations, elle est rare ou totalement absente.
Habitats et plantes-hôtes
La Proserpine occupe typiquement les stations arides, généralement calcicoles, ouverts et ensoleillées, du niveau de la mer jusqu'à plus de 1000 mètres d'altitude (ref. 4). Les données issues du CBMS nous permettent d'établir avec précision pour la Proserpine les communautés végétales préférées (tableau 1). En utilisant des données en provenance de stations dans lesquelles la Proserpine présente une densité annuelle supérieure à 0,1 individu/100 mètres (ceci exclue les observations d'individus isolés) et en ne tenant compte que des stations végétales présentant un taux de recouvrement du sol de 30% ou plus, cette papillon est associé avant tout aux pelouses à Brachypode de Phénicie
Brachypodium phoenicoides (37% des stations) et pelouses calcaires à Brachypode rameux
Brachypodium retusum (23% des stations). Les pelouse à Brachypode de Phénicie constituent l'habitat privilégié dans les zones sub-humides (par exemple, dans le piémont Pyrénéen et plus à l'intérieur des chaînes de montagnes), tandis que les pelouses à Brachypode rameux constitue l'habitat caractéristiques des secteurs semi-arides (dépression de l'Èbre et certaines zones dans le massif du Garraf). Moins souvent, la Proserpine se rencontre dans les habitats dominés par le Romarin
Rosmarinus officinalis, le Thym
Thymus spp , l'Aphyllanthe de Montpellier
Aphyllantes monspeliensis, ou dans les communautés dominées par
Ampelodesma mauritanica, par des plantes annuelles ou d'autres communautés végétales typiques des zones basses calcaires.
Cette relation étroite avec des habitats spécifiques peut s'expliquer par le caractère monophage de l'espèce et par l'utilisation exclusive de l'Aristoloche pistoloche
Aristolochia pistolochia qui est une plante calcicole poussant dans les escarpements à moins de 1200 m d'altitude (Ref. 6). Exceptionnellement, des populations de Proserpine existent dans des terrains siliceux où
A. pistolochia est absent (par exemple, dans quelques secteur de l'Alt Empordà), il est localement possible que la plante-hôte soit l'Aristoloche à nervures peu nombreuses
Aristolochia paucinervis, une espèce calcifuge qui constitue la plante hôte principale de certaines populations de Proserpine dans le sud de la péninsule Ibérique (7). La littérature cite également l'Aristoloche à feuilles rondes
A. rotunda dans certaines populations de Proserpine (1), bien que nous n'ayons pu confirmer cette possibilité en Catalogne.
La phénologie est monovoltine et le cycle biologique de la Proserpine est seulement printanier (fig. 2). Mis à part le piémont Pyrénéen où la Proserpine peut encore voler en juin, la période de vol est limitée aux mois de mars, d'avril et de mai. Dans la dépression de l'Èbre et les montagnes du Garraf, les premiers papillons sont visibles dès les premières semaines de mars (et parfois dès la fin février ; fig. 2a et b), alors que dans des stations plus septentrionales (par exemple, de Bages et de El Berguedà), il est rare de voir les papillons avant le début du mois d'avril (fig. 2c).
Dans ces dernières stations, la période de vol est plus resserrée que dans l'Est de la Catalogne, où la période d'émergence est plus irrégulière. Cela correspond probablement au fait que dans les stations les plus continentales, les émergences peuvent être précoces ou tardives en fonction de la rigueur de l'hiver. Malgré cela, les données issues du CBMS indiquent que le pic d'abondance maximale de l'espèce coïncide dans les trois zones géographiques à la seconde moitié du mois d'avril (figure 2). Pour l'instant, aucune preuve d'une deuxième génération estivale-automnale n'a pu être apportée en Catalogne. C'est pourtant le cas dans certaines régions de la péninsule iIérique (8) et au Maroc (9) où
A. pistolochia est en fleurs sur une période plus longue. Les femelles de Proserpine pondent généralement leurs œufs sur le dessous des feuilles ou bien sur les fleurs d'
A. pistolochia, et occasionnellement sur le dessus des feuilles ou encore directement sur les pédoncules des fleurs. Les œufs, pondus un par un ou parfois en groupes de deux ou trois, sont d'un blanc brillant, et mesurent moins d'un millimètre de diamètre. Ils sont ronds, lisses et sans aucun type de structure apparente. Les chenilles éclosent au bout de deux semaines et se cachent habituellement dans les fleurs en faisant un trou à la base du tube de la corolle (10). Les chenilles ne sont pas très mobiles et une fois qu'elles ont grandi, elles sont faciles à détecter sur les tiges et sur les feuilles de la plante-hôte. Elles sont d'une coloration typiquement jaune ou brun-orangé, avec une série de courtes lignes noires et portent 4 à 6 épines sur chaque segment. Le stade larvaire dure environ six semaines et se termine au moment où les plantes-hôtes sont sénescentes. Le papillon passe l'hiver au stade de chrysalide et - au moins en captivité - il n'est pas anormal d'attendre deux hivers avant l'émergence de l'imago (11). Nous ne savons pas si ce trait de caractère est répandu ou non dans les populations naturelles.
Dynamique des populations
En raison de la pression exercée par les collectionneurs et la perte d'habitats, la Proserpine a été inscrite il y a trente ans dans le premier Livre rouge des lépidoptères espagnols (12). Néanmoins, des analyses plus récentes montrent que les populations de l'espèce sont stables (13) et en Catalogne, le papillon est très répandu et présent dans un grand nombre de sites et ne peut donc pas être considéré comme menacé. Néanmoins, certaines populations sont très faibles, localisées sur des espaces réduits et la Proserpine peut être plus sensible que d'autres espèces par la modification et la destruction de son habitat ou même par la collecte. Il semble que la station de la Serra de Collserola est peut-être le seul endroit de Catalogne dans lequel cette espèce est connu pour avoir disparu (4). Sur une courte période de suivi, il convient de souligner qu'aucune station de Proserpine du CBMS n'a montré de tendance positive ou négative. A l'échelle locale, des oscillations pourraient être déterminées par l'impact d'un parasitoïde spécifique, l'Ichneumon
Agrypon polyxenae, qui parasite les chenilles et émerge ensuite de la chrysalide (14). Néanmoins, cette affirmation doit être vérifiée car aucune donnée sur ce type de parasitisme n'existe en Catalogne.
Constantí Stefanescu
1
Tolman, T. & Lewington, R., 2002
Guía de las mariposas de España y Europa. 320 pàg. + 104 pl. Lynx Edicions, Bellaterra.
2
Kudrna, O., 2002
“The distribution Atlas of European butterflies”. Oedippus, 20: 1-342.
3
García-Barros, E., Munguira, M. L., Martín Cano, J., Romo Benito, H., Garcia-Pereira, P. & Maravalhas, E. S., 2004
“Atlas de las mariposas diurnas de la Península Ibérica e islas Baleares (Lepidoptera: Papilionoidea & Hesperioidea) ”. Monografías Soc.
ent. aragon., 11: 1-228.
4
Viader, J., 1992
“Papallones de Catalunya.
Zerynthia rumina (Linnaeus, 1758)”. Butll. Soc. Cat. Lep., 69: 40-52.
5
Viader, J., 1993
“Noves dades sobre
Zerynthia rumina (Linnaeus, 1758) a Catalunya”. Butll. Soc. Cat. Lep., 71: 71-72.
6
Bolòs, O. de & Vigo, J., 1984
Flora dels Països Catalans. 736 pàg. Editorial Barcino, Barcelona.
7
Jordano, D. & Gomariz, G., 1994
“Variation in phenology and nutritional quality between host plants and its effect on larval performance in a specialist butterfly,
Zerynthia rumina”. Entomol. exp. appl., 71: 271-277.
8
Olivares Villegas, J., Jiménez Gómez, J.L. & Yáñez, J., 1991
“Variations saisonnières de
Zerynthia rumina Linné dans le sud de l’Espagne (Lepidoptera Papilionidae)”. Linn. Belgica, 13: 51-61.
9
Mokhles, A., 1984
“Calendrier des périodes de vol des Rhopalocères du Marroc”. Nota lepid., 7: 257-263.
10
Nyst, R.H. & Acquier, J.-Cl., 1984
“Nouvelles observations concernant
Zerynthia polyxena Geyer et
rumina L. (Lép. Papilionidae)”. Alexanor, 13: 239-240.
11
Nel, J., 1991
“Sur la plasticité écologique et la biologie de quelques Lépidoptères (Rhopalocera) du sud-est méditerranéen de la France (première partie)”. Linn. Belgica, 13: 159-220.
12
Viedma, M.G. de & Gómez Bustillo, M.R., 1976
Libro rojo de los lepidópteros ibéricos. 120 pàg. ICONA, Madrid.
13
Van Swaay, C. A. M. & Warren, M. S., 1999
Red Data Book of European Butterflies (Rhopalocera). Nature and Environment, 99: 1-260. Council of Europe Publishing, Estrasburg.
14
Shaw, M.R., Stefanescu, C. & van Nouhuys, S., en prep.
“Parasitism of European butterflies (Hesperioidea and Papilionoidea)”.
Fig. 1. Relative abundance of the Spanish Festoon
Zerynthia rumina (expressed as the value of the annual index /100 m) in the different stations of the CBMS network (1994-2005).
Fig. 2. Phenology the Spanish Festoon
Zerynthia rumina in (a) the Ebro Depression (data from five stations: Timoneda d’Alfés, Mas de Melons, Granja d’Escarp, Aiguabarreig and Sebes), (b) Garraf (data from two stations: Vallgrassa and Olesa de Bonesvalls), and (c) Llobregat valley (data from two stations: Sallent and Gironella).
Taula 1. Dominant plant communities in the sections of the different CBMS itineraries in which the Spanish Festoon Zerynthia rumina attains population densities of over 0.1 exemplars/100 m.
Photos. (a) Eggs nearly to hatch; (b) last instar larva; (c) pupa; and (d) adult of Zerynthia rumina (photographs: J. R. Salas).