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Enquête Cigales

Vous pouvez continuer à transmettre vos observations en ligne, l'enquête n'est pas "bouclée" comme certains d'entre pouvaient le penser. On travaille sur la synthèse nationale, mais nous avons beaucoup de retard et la parution n'interviendra, au mieux, qu'au printemps 2018. Onem France



Histoire, écologie et conservation de la Cigale des montagnes en Grande-Bretagne


par Bryan J PINCHEN & Lena K WARD {traduction française : Christophe Bernier, novembre 2016}

Pour beaucoup de personnes, le terme « cigale » peut évoquer des souvenirs de détente sur la terrasse d’une villa méditerranéenne, alors qu’une cigale cymbalise caché dans un arbre à proximité. En Grande-Bretagne, notre seule représentante de la famille des Cicadidae est une espèce au chant discret et qui se fait rare. Cicadetta montana Scopoli n'est présente que dans la Nouvelle Forêt, d'où son nom « Cigale de New Forest ». C’est une espèce difficile à appréhender, car elle est rare et sporadique, son stade imaginal est très court et le stade larvaire se déroule dans le sol, où la larve s'alimente de sève sur les racines pendant au moins six ans. Nous exposons ici l’histoire de cette espèce insaisissable et présentons les recherches dont elle a bénéficié jusqu'à maintenant en Grande-Bretagne.

Photo de femelle adulte de Cicadetta montana de la New Forest. Jim Grant

Historique et distribution


Cicadetta montana occupe un large territoire eurasiatique, elle est dans l'ensemble assez nordique mais elle devient montagnarde dans le sud l’Europe. Dans certaines régions de la Russie et du Caucase, l’espèce est tellement abondante qu’elle nécessite parfois des programmes de lutte antiparasitaire. En Angleterre, cette cigale est étroitement inféodées aux forêts claires de Chêne pédonculé Quercus robur avec des buissons épars, des clairières et des layons ensoleillés, ainsi que des boisements de Tilleul à petites feuilles Tilia cordata.

La Cigale des montagnes a été observée pour la première fois en Grande-Bretagne en 1812 par Daniel Bydder, à Pennington, commune située en bordure Sud de la New Forest. Les premiers spécimens collectés ont été étiquetés comme Cicada anglica ou Cicada haematodes avant d’être reconnu comme étant la Cigale des montagnes Cicadetta montana. En 1896, l’espèce prenait le nom de "Cigale de New Forest". Des mentions éparses ont égrainé tout le XIXe siècle et même ultérieurement, l’espèce est restée difficile à trouver et toujours peu abondante. En 1864, un spécimen a été capturé dans une forêt proche de Haslemere, dans le Surrey. Elle a été suivie de trois spécimens prélevés dans d'autres boisements en 1896 et d'une dernière en 1936. Le fait que la Cigale n'ait pas été observées dans les autres forêts du Sud du comté de Surrey à ce jour un mystère.

Lyle (1910, 1911, 1913) a découvert une colonie sur la périphérie de Brockenhurst, dans la nouvelle forêt, et a relevé l’émergence des imagos, les cymbalisations et la présence de pontes sur plusieurs années. Il a émis l’hypothèse que l’espèce devait être présente
ailleurs dans la New Forest, bien que non signalé. Morley (1941) a résumé l’historique des observations sur la cigale, énumérant les occurences entre 1812 et 1940. Il rapporte sa propre capture, l’un des derniers effectué, en 1940. Après 1941, l’espèce est considérée comme éteinte. Il en est ainsi jusqu'en 1962, lorsque M Clifton, Grant A J et P S Broomfield découvrent une population dans la partie nord de la New Forest, mettant l’espèce de nouveau devant les projecteurs. Cette station trouvée par Clifton et son équipe a été importante, dépassant les 100 mâles chanteurs dans une clairière forestière. Une population plus modeste fut également découverte en 1963 dans un secteur limitrophe où des reboisements avaient échoué, créant ainsi une clairière abritée, chaude et ensoleillée avec une végétation mixte et bien structurée. Cette station a fait l’objet d’une étude approfondie par Jim Grant de 1963 jusqu'à sa mort prématurée en 1990. Au cours de cette longue période, les observations ont décliné et en 1981, la cigale New Forest a été inscrite à l’annexe 5 de la Loi biodiversité et paysages.

Depuis sa découverte en Angleterre en 1812 jusqu'à aujourd'hui, la cigale a été trouvée dans 26 localités différentes de la New Forest, mais elle n’a jamais été abondante dans aucune d'entre elle. Depuis 1991, où l’espèce a été inscrite sur le Programme de restauration des espèces menacées, des recherches approfondies ont été menées par Lena Ward (veuve de Jim Grant), rejoint par Bryan Pinchen à partir de 1996. Une grande partie des données écologiques suivantes est issue des études de terrain conduites par Grant (Grant 1970a; Grant 1972; Grant & Ward 1992).

ÉCOLOGIE


Imagos


Les adultes sont généralement visibles de la fin mai à la mi-juillet, la durée de vie des imagos dure généralement de deux à quatre semaines. L'observation la plus précoce remonte au 13 mai (1974) et la plus tardive au 30 juillet (1907).

Les mâles occupent la strate arbustive, mais ils peuvent aussi utiliser la canopée, à une hauteur de 12 mètres et plus. Les deux sexes se nourrissent sur des brindilles derrière lesquelles ils tentent de se cacher lorsqu’ils sont dérangés. Les femelles sont souvent être observées au soleil sur des tiges de la Fougère aigle Pteridium aquilinum voire sur le sol. Le vol, rapide, juste au dessus des fougères est extrêmement difficile à suivre lorsque le temps est ensoleillé. Il est comparable à celui d'une Abeille à miel, d'un taon ou même de la Libellule déprimée Libellula depressa (Lyle 1911).

Comme tous les hémiptères, les cigale se nourrissent au moyen d’une trompe en forme de rostre. Les arbres et arbustes sur lesquels Cicadetta montana s'alimente comprennent les chênes, les bouleaux, le Hêtre fayard Fagus sylvatica, l'Aubépine monogyne Crataegus monogyna, le Tilleul à feuilles cordées et même la Fougère aigle.

Cymbalisations


Deux types de cymbalisations distinctes sont émises par le mâle et amplifiées par deux cymbales situées à la base de l'abdomen. Il existe une cymbalisations d'appel et une cymbalisation de cour. Les cymbalisations présentent une strophe d’échauffement durant 2 à 3 secondes. Les cymbalisations d'appel peuvent durer mlusieurs minutes et sont émises de façon crescendo : elles commencent à faible amplitude avant de se prolonger à plus forte amplitude, puis déclinent légèrement quelques secondes
avant de mettre de s'arrêter. Elle peut être décrite comme une "bzzzzz" très haut et peu audible, produit à faible, aigu, produite à 4-16 notes par secondes. Elle ressemble un peu aux stridulations de Decticelle barriolée Roeseliana roeselii. Pour la plupart des personnes de plus de 40 ans, cette cymbalisation reste inaudible, mais de jeunes personnes peuvent l'entendre à une distance supérieure à 60 mètres.

Les mâles cymbalisent depuis un poste de chant surélevé : sur la branche d’un arbre ou un arbuste situé en lisière forestière ou au bord d'une clairière. Les cymbalisations peuvent se faire entendre au delà d'une température de à 2o°C à l'ombre, entre 10h30 et 18h, avec un pic vers 14h et 14h30. Les mâles sont farouches et s’arrêtent de cymbaliser au premier signe de danger ou même en cas de brise rafraîchissante. Ils restent généralement immobiles durant leur sérénade, mais s'il fait chaud, ils peuvent continuer de cymbaliser en volant. Les cymbalisations peuvent être détectées avec un détecteur de chauves-souris (bat-box) dont le curseur serait positionné entre 10 et 12 kHz avec un son retranscris sous forme de grésillement. Le Grillon des bois Nemobius sylvestris, que de l'on trouve également dans la New Forest, pourrait être confondu avec la cigale, mais il est émis à faible puissance et il ne stridule que dans la litière de feuilles mortes. De plus, ce grillon chante beaucoup plus tard dans l’année, bien après la période de vol de Cicadetta montana.

Oviposition


Après l’accouplement, les femelles pondent leurs œufs dans des tiges de plantes herbacées, fougères et rameaux d'arbres et d'arbustes mesurant entre 3 et 8 millimètres de diamètre. Les œufs sont pondus en deux rangées alignées dont les stigmates sont caractéristiques et formant un « W ». Jusqu'à 600 œufs ont été comptabilisées dans les ovaires d’une femelle, mais on pense que seuls 200 à 300 œufs fertiles sont produits. L'oviposition dans la New-Forest a été observée sur Fougère aigle (Grant & Ward 1992 ; Lyle (1913), sur chênes, sur bouleaus et sur Tilleul à feuilles cordées, ainsi que le Hêtre fayard et sur le Pommier Malus domestica. En Russie, une liste de 37 plantes différentes ont été recensées (Kudryasheva, 1970). En Belgique, Hidvegi &
Baugnee (1992) a enregistré la ponte sur de nombreuses plantes vivaces herbacées, mais ils ont rarement observé de ponte sur arbres ou arbustes [note de l'enquête cigales : c'est parce qu'il ne s'agissait probablement pas de C. montana mais plutôt de C. cantilatrix]. Shumanov (1954) a noté que le Tilleul à feuilles cordées recevait plus de pontes que n'importe quelle autre espèce. Les œufs pondus dans des tiges ligneuses risquent d'être emprisonnés par la cicatrisation du bois qui forment une callosité au niveau des blessures.

Photo : une série de stigmates résultant de l'oviposition sur une tige de Fougère aigle. Jim Grant
Photo : coupe de galerie larvaire : de la racine d'alimentation à la mini-tour pré-imaginale. Jim Grant

Œufs


La durée d'incubation des œufs varie entre 50 et 125 jours en fonction de la température. Les œufs qui ont été pondus près du sol bénéficient de températures plus clémentes et éclosent plus tôt que ceux pondus plus en hauteur, plus exposés aux intempéries. Les pré-larves sont roses, ressemblent à des puces, elles rampent ou se laissent tomber au sol où elles cherchent à s'enterrer par des fissures et des accidents du terrain. Il semble y avoir peu de dispersion au début du stade larvaire et les larves se fixent directement sur les racines de la plante qui a servi de support à la ponte ou sur les plantes environantes. In natura et en captivité, les larves ont été observées sur les racines de la Molinie bleue Molinia caerulea (Grant & Ward, 1992), mais les autres plantes utilisées restent pour la plupart inconnues. Morley (1941) pensait que les larves devaient se développer sur les racines de Fougère aigle, mais cela n'a pas été prouvé. La prédation des œufs a été observée par des punaises Anthocorid (Hemiptera : Heteroptera) et des larves de névroptères. Les larves creusent des galeries où elles aménagent des loges autour des racines sur lesquelles elles s'alimentent. Des ressources alimentaires limitées seraient susceptibles d'allonger le cycle larvaire. Ces chambres-cuisine sont situées à au moins 30 centimètres de profondeur, en fonction de la nature du sol.

Cinq mues sont effectuées sur une période allant de six à dix ans avant la mue imaginale. Au début du printemps précédent leur émergence, les larves creusent un tunnel vertical pour atteindre la surface du sol, où elles bâtissent une structure conique, sorte de mini-tour, au-dessus de la surface du sol. Ces tourelles de quelques millimètres à plusieurs centimètres de haut sont construites en mortier de terre et de salive et incorporant des brindilles et débris de feuilles. La fonction de ces construction reste méconnue, mais il est probable qu'elle soit destinée à faciliter la thermorégulation. Les nymphes sont capables de reconstruire leur tourelle si elle est endommagée, mais l'on ignore combien de fois elles en sont capables. La prédation des larves par le Perce-oreille Forficula auricularia et le Scarabée Pterostichus madidus ont été enregistrées dans les tourelles restées ouvertes. L'émergence se produit tôt le matin, la larve ouvre le somment de la tourelle et elle quitte définitivement le terrier. Les larves s'immobilisent sur la végétation, souvent à une certaine distance de la tourelle et se positionnent, comme les adultes, dos au soleil, de manière similaire à ce qui se pratique en pareille circonstance chez d'autres hémiptères ou odonates. Des cas de prédation par les fourmis ont été observés pendant l'émergence.

Photo : Pré-larves, roses, ressemblant à des puces déambulant sur le sol à la recherche de racines. Jim Grant
Photo : mue imaginale de Cigale de la New Forest. Jim Grant

Habitats


Les cigales de la New Forest cigales occupent une succession d'habitats allant de la prairie, de la fruticée jusqu'à la forêt. Cette espèce est inféodées aux boisements clairsemés, aux clairières pourvues de broussailles et de lisières forestières. Les clairières doivent être à la fois bien ensoleillées et assez confinées pour favoriser des micros-climats. Les adrets sur sols bien drainés sont
les plus favorables. Un sous-bois composé de plantes herbacées est essentiel, offrant des supports de ponte et une ressources alimentaire pour les larves. Les broussailles fournissent en plus des lieux de ponte, des sites d'alimentation et de reproduction indispensables aux imagos. Les sites pâturées semblent défavorables et toutes les données contemporaines l'ont été sur des stations non pâturées de la New Forest. Le secteur où les cigales ont été découvertes en 1963 a été décrite par Grant
(1970b) comme une mosaïque de boisements clairsemés de chêne et de hêtre, sur un coteau ouvert, avec un sous-bois de lande recouvrant près de deux hectares et caractérisé par la Callune Calluna vulgaris montant jusqu'au genoux, la Fougère aigle, quelques taches de d'Ajonc d'Europe Ulex europaea et des semis de Bouleau (de 3 à 10 pouces de haut). Cette végétation
illustre une régénération après incendie et où la Fougère aigle remplace progressivement la Callune. Ce site avait coupé à blanc en 1954 environ puis replanté en Hêtre et en Mélèze Larix decidua. Cependant, la plantation a été un échec, permettant à l’habitat apparemment optimal de Cicadetta montana de se développer. Les cigales semblent avoir colonisé la parcelle après la coupe à blanc, ce qui se traduit par l’émergence massive en 1962-63. En 1970, ce site devenait moins attractif pour
cigales du fait de la prédominance de la Fougère aigle et du Bouleau et aujourd'hui l'Ajonc d’Europe et la Callune ont disparu, du fait de l'absence de lumière au sol.

Les cigales peuvent occasionnellement coloniser des zones de forêts clairsemées où le développement de la strate herbacée reste possible en raison d'un pâturage absent ou réduit. Toutefois, pour pouvoir se produire, il faut encore que ces zones favorables
soient situées à une distance raisonnable de stations connues. La conduite des boisements en taillis pourrait fournir ce contexte favorable, mais la sylviculture moderne le pratique à grande échelle et avec des rotations trop rapides. En Belgique, Cicadetta montana se développe sur des pelouses de coteaux calcaires exposés au sud très diversifiés sur le plan floristique avec des faciès d'embroussaillement [il s'agit là-encore d'habitats à C. cantilatrix]. Il n’y a actuellement pâturage par le bétail domestique sur ces sites, mais il pourrait être réintroduit sous réserve de convention (Delescaille L.-M., comm. pers.).

Raisons de rareté de Cicadetta montana dans la New Forest


Il existe des raisons évidentes permettant de comprendre la réduction de la population de Cicadetta montana dans la New Forest. La modification de son habitat à travers des successions sylvicoles décrites plus haut, l'évolution de la sylviculture ou le pâturage en forêt sont des raisons suffisantes, mais le changement climatique semble également avoir une influence significative.

Pâturage

Au moment de la redécouverte des cigales en 1962, la New Forest faisait l’objet d'un pâturage beaucoup plus extensif qu’il ne l’est aujourd'hui. Le bétail qui était enlevé en période hivernale a été laissé en pâturage intégral après 1963. Du fait de la pose de clôtures, on estime l'augmentation du bétail de 30 à 40 % dans la forêt (Tubbs, 1986). L'augmentation de la pression de pâturage n’a pas seulement impacté les sites favorables de ponte (à l'exception de la Fougère aigle qui a progressé), mais aussi la ressource alimentaire des larves. Une trop forte couverture des sous-bois par la Fougère aigle peut réduire la température du sol de 10°C et rend impossible la l'utilisation des sites par les larves (Pinchen & Ward 2000). Les larves qui parviennent malgré tout à se développer dans ces conditions défavorables subissent un risque accru de piétinement des tourelles ou de prédation pendant la construction de celle-ci. Les zone de transition entre la lande ouverte, les zones de prairies les lisières clairsemées, qui constituent l'habitat optimal sont maintenant confinées dans certaines enclos forestiers. Dans ce contexte, les habitats favorables de superficie convenables restent rares. Les recommandations que nous avons formulées ont été de supprimer un certain nombre de parcelles pâturées dans le massif forestier. L'impact du pâturage et de la modification induite des habitats génère un impact négatif pour la cigale mais aussi pour de nombreux invertébrés forestiers de la New Forest (Mortimer et al., 2000 ; Pinchen 1999).

Sylviculture

Les changements dans les pratiques sylvicoles, par la mécanisation du débardage et l’augmentation de l'importance des coupes à blanc, peut aussi avoir contribué à ce déclin. L'exploitation moderne de la forêt génère des clairières très grandes et plus fraîches, qui sont moins appropriées pour Cicadetta montana. La colonisation monospécifique de la Fougère aigle est rapide dans les coupes à blanc. Trop denses, les plantations de conifères et de feuillus créent peu de clairières ou de lisières avec des arbustes.

Météo

Alors que de nombreuses spéculations ont été émises en lien avec le changement climatique, les derniers étés que nous avons vécus ont été largement défavorables à nombreux aspects du cycle de la Cigale de la New Forest. Malgré des étés relativement plus chauds, l'augmentation d'épisodes météorologiques humides ou ventées pendant semble défavorable aux imagos comme aux larves de la cigale. Les relevés de température pour l’étude ont montré la faiblesse du nombre de jours favorable à la cymbalisation des mâles, avec une température dépassant les 20°C. En 1995, il n'y a eu que 10 jours favorables au cours sur la période de vol (Ward 1995) et 16 en l'an 2000 (Pinchen & Ward 2000). Des hivers plus doux et humides peuvent également avoir une incidence sur la mortalité des larves. Les larves sont en effet incapables d'échapper à la noyade quand leur galerie est inondée. Si les épisodes d'inondation prolongée comme celui de l’hiver 2000-2001 venaient à devenir plus réguliers, la mortalité hivernale pourrait devenir très élevée.

Travaux, recherches et suivis

Depuis l'inscription de la cigale de New Forest dans le programme de restauration English Nature en 1991, une grande partie de notre travail a porté sur la recherche de populations contemporaines. De nouvelles méthodes d'investigations ont été mises au point et apportent des résultats encourageants. La principale station de cigale n'était plus attractive et depuis 1972, il a été possible d'y ouvrir de nouvelles clairières et des conséquences pour la flore et la faune ont été suivies.

Des études se sont concentrés sur les vieilles pontes et des expériences ont été menées afin d'évaluer le taux de mortalité et sur les risques liés aux tourelles et aux émergences. Des partenariats ont été établis avec des chercheurs travaillant sur Cicadetta montana {sauf qu'il s'agit en fait de Cicadetta cantilatrix} en Belgique, où des pontes ont été recueillies en 2001 et sont étudiées dans le cadre d'un élevage au jardin zoologique de Bristol.

Autres domaines de recherche dans la New Forest


Des recherches acoustiques se poursuivent dans les stations contemporaines afin de mieux cibler les habitats utilisés. Les recherches sont également menées avec la même fréquence dans une station où quelques données ont été rapportées. Des travaux plus larges sont menés afin de mieux caractériser les habitats de vol et de reproduction. Une série de cymbalisations ont été entendues dans un nouvelle localité découverte au cours de l’année 2000. Une visite tardive sur le site a révélé ce qui était presque certainement un reste de tourelle ouverte, ce qui implique qu'au moins une cigale se soit développée dans cette station.

Cicatrices de ponte

On trouve parfois les stigmates d'anciennes ponte sur des rameaux d’arbres et d’arbustes. Ces traces semblent être plus abondantes dans les environs des stations connues de cigale. Les cicatrices montrent des zones caleuses sur les tiges pouvant atteindre 10mm de diamètre. La recherche de sites de pontes a d’abord été étudié au cours de l'année 1996. De tels stigmates ont été souvent trouvées à travers l'ensemble de la New Forest, mais il fut rarement possible de certifier qu'il s'agissait bien de pontes de cigales. L'origine de ces cicatrices n'a pas encore été trouvée.

Tableau 1 - Diminution du nombre des cigales enregistré sur le site d’étude entre 1962 et 2000.

Année - Nombre de mâles chanteurs - Nombre de tourelles
1962 - 100 - Non compté
1963 - 60 - Non compté
1964 - 24 - Non compté
1965 - 7 - Non compté
1970 - 35 - Non compté
1971 - 4 - Non compté
1972 - 5 - présents
1978 - 5 - 12
1979 - 13 - 4
1980 - présent - 9
1986 - 0 - 30
1990 - 0 - 4
1993 - 2 - 3
1999 - 0 - 0
2000 - 0 - 0

En janvier 2001, une probable cicatrice de ponte de cigale a été trouvée sur un petit Saule sur le même secteur en forêt où des cymbalisations auraient été entendues en 2000. Lexamen a révélé que la ponte remontait à 1999 et qu'elle aurait pu être provoquée par une cigale. Un complément d’étude sur les stigmates de pontes sur la cicatrisation des végétaux est actuellement en cours.

Suivis à long terme et déclin des cigales sur le principal site d’étude

La taille des populations de cigales est un aspect difficile à évaluer et à suivre. Pendant les premières années de l’étude (1962-70), le nombre de mâles chanteurs a été comptabilisé sur un transect standard. En 1971, le transect a été abandonné parce que les cigales ne se faisaient plus entendre que sur le site de l’étude principale. Quelques années plus tard, c'est le nombre de tourrettes d'émergences qui a été suivi et comptabilisé afin d'estimer l'importance de la population (tableau 1). A partir de 1990, les imagos et les tourelles ont diminué sur le principal site étudié et plus aucune observation n'a été confirmée depuis 1993. Cependant, en 1998,
les stigmates d'une probable ponte âgée de deux ans a été observé sur un chêne et de futures émergences entre 2002 et 2006 pourraient donc se produire.

Suivis de la végétation et autres suivis

Des reportages photographiques standardisés et des suivis de l'évolution floristique sur transects ont démarré en 1994 sur le principal site d'étude et dans trois clairières adjacentes où l’habitat est géré par déboisement sélectif. L’augmentation d'une des principales plantes-hôtes des larves, la Molinie bleue, est la conséquence de la réouverture du milieu et cette plante est maintenant dominante en de nombreuses stations. Les Bruyères et les autres plantes herbacées sont en lente augmentation et de nouvelles plantes de sous-bois ont fait aussi leur apparition. Quatre-vingt quatre espèces végétales ont été enregistrées à ce jour. Des programmes de suivi sur les invertébrés et autres groupes faunistiques font partie du programme de surveillance générale. Depuis le démarrage du programme en 1994, un total de 230 espèces d’invertébrés a été enregistrée, y compris un certain nombre d'espèces de la liste rouge liste "BAP".

Tourelles

La mortalité potentielle des larves du fait du piétinement des tourelles a été étudiée via des expériences conduites entre 1996 et 1998. Vingt-cinq tourelles artificielles ont été placées sur un quadrat et visité une fois par semaine pendant huit semaines (couvrant la période d’émergence normale). Une placette était située dans un secteur bien végétalisé, tandis que la seconde a été positionné dans une prairie fortement pâturé. Les tourelles endommagées ont été remplacées, afin de simuler une reconstruction. Sur la zone surpâturée, 80% des tourelles ont été détruites et seulement 20% dans la zone mieux végétalisée. Une autre expérience conduite dans un enclos forestier non pâturé et non enherbé. Dans cette dernière placette, aucune tourrelle ne fut endommagée durant toute la durée du suivi, ce qui démontre l'impact du pâturage dans les forêts clairsemées.

L’enregistrement de la température

L'enregistrement de la température à l’aide de sondes miniaturisées ont commencé sur le site d’étude en 1995. La température est un facteur important en ce qui concerne la construction des tourelles, l'émergence des imagos, les cymbalisations, l'incubation des œufs. La cigale de New Forest est plus sensible aux température estivales que ne sont les populations continentales. La comparaison avec les stations belges de Cicadetta a montré que les températures moyennes de la New Forest ont été inférieures de 10° C à 15C entre juin et août 1999 (Pinchen & Ward, 1999).

La température du sol conditionne le développement larvaire et ce sujet a été étudié sur des larves élevées en captivité. Des thermomètres munis de sondes enterrées jusqu'à 25 cm ont été pour cela utilisées

Élevage des larves en captivité

Au cours de ces dernières années, nous avons établi des partenariats avec les entomologistes en Belgique qui avaient étudié les Cicadetta des pelouses calcicoles de l'Ardenne. Des pontes ont été collectées en 2001 et les larves obtenues sont élevées en captivité au Jardin zoologique de Bristol. L'objectif est de connaître les préférences alimentaires larvaire, d'étudier la mortalité
en fonction des différents stades et de déterminer la durée du stade larvaire. A défaut de larves anglaises, il s’agit d’une excellente occasion pour apprendre les techniques d’élevage. Avec une meilleure connaissance du cycle et de l'écologie larvaire, nous espérons pouvoir restaurer des populations de cigales à partir de pontes collectées, du moins si Cicadetta montana existe toujours dans la New Forest.

Travaux de gestion

Suite à la découverte de la Cigale sur le principal site d’étude en 1963, la plus grande attention a été consacrée à étudier l'écologie de l'espèce, qui était très mal connue. À l’époque, les tourelles n’avaient pas été décrites et les caractéristiques de l’habitat n'avaient pas été caractérisées. Le site évoluant de façon spontanée, favorisant la Fougère aigle et le Bouleau, il devint rapidement impropre au maintien des cigales. Depuis 1994, des clairières ensoleillées ont été ouvertes par étêtage et par coupe du bouleau. Ces travaux ont été encadrés par le groupe de recherche sur les cigales, par la Commission des forêts, par les gardes-forestiers et par des bénévoles. Les fougères ont été désherbées chimiquement ou bien coupées à la main suite à des coupes d'éclaircissement.

Cette gestion semble avoir bien fonctionné, les Fougères sont en minorité, offrant ainsi de bonnes conditions pour que les femelles puissent utiliser le site pour pondre les œufs. Nous rappelons que le site principal de l’étude est un très petit enclos forestier. Depuis la replantation des années 1950, le pâturage a été exclu mais, comme avec la plupart des sites prairiaux et des landes, le pâturage est outil indispensable de gestion conservatoire. Depuis 1998, il a été approuvé par le groupe de pilotage de l'étude. Cependant, le pâturage n'est admis sur le site qu'entre le 1er Novembre et le 1er Mars. Cette période permet d'éviter tout impact sur le cycle de vie de la cigale.

Conclusion

Alors que la Cicadetta montana semble être au bord de l'extinction en Grande-Bretagne actuellement, nous croyons que l'espèce résiste et qu'elle trouvera de nouvelles stations favorables à son maintien. Avec une surface totale de 47 000 ha favorables, nous espérons pouvoir de nouveau entendre la cymbalisation de la Cigale de New Forest dans un avenir proche.

Remerciements

Nous souhaitons remercier English Wildlife pour le soutien financier apporté à ce programme de recherche. Nous remercions également la Commission de la Forêt pour nous avoir permis ce travail sur le territoire de la New Forest, Louis-Marie Delescaille et Jean-Yves Baugnee en Belgique, Warren Spencer et au personnel du jardin zoologique de Bristol et ainsi que toutes les personnes qui ont participé aux études sur la cigale au cours des 30 dernières années. Nous devrions également remercier le Dr David Sheppard, qui a effectué la relecture de cet article.

Références

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Pinchen, B J, & Ward, L K 1998 Engltsh Nature Species Recovery Programme - New Forest Cicada (Cicadetta montana Scopoli) (Hemiptera - Cicadidae)· Survey and management in 1998. English Nature Contract. Unpublished confidential report to English Nature

Pinchen, B J, & Ward, L K 1999 English Nature Species Recovery Programme - New Forest Cicada (Cicadetta montana Scopoli)
(Hemiptera - Cicadidae): Survey and management in 1999. English Nature Contract. Unpublished confidential report to English Nature

Pinchen, B J, & Ward, L K 2000 English Nature Species Recovery Programme - New Forest Cicada (C icadetta montana Scopoli)
(Hemiptera - Cicadidae): Survey and management in 2000. English Nature Contract. Unpublished confidential report to English Nature

Shumanov, EA 1954 Concerning the Cicada Cicadetta montana Scop. and its harmfulness. Trudy lnstituta lesa ANSSSR (Proceedings of the Institute of Forestry AN SSSR) 16: 210-241. (BLL translation)

Tubbs. C R 1986 The New Forest. The New Naturalist Series. Collins, London

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Ward, L K 1995 Species Recovery Programme - New Forest Cicada (Cicadetta montana Scopoli) (Hemiptera.· Cicadidae): Progress
Report 7 995. English Nature/NERC Contract. Unpublished confidential report to Engltsh Nature

Ward, L K, & Pinchen, 8 J 1996 Species Recovery Programme- New Forest Cicada (Cicadetta montana Scopoli) (Hemiptera: Cicadidae): Progress Report 1996. English Nature/NERC Contract. Unpublished confidential report to English Nature

Bryan Pinchen est un naturaliste indépendant travaillant sur des programmes de restauration d'espèces menacées, expert entomologiste et spécialiste de la gestion d'habitats des invertébrés. Lena Ward est chercheur à la CEH Winfrith, travaillant sur les cigales, sur les prairies, sur le genévrier et sur les insectes phytophages. Elle est la veuve (et aussi l'assistante) de Jim Grant, qui a travaillé sur la cigale de 1963 à 1990.
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