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Enquête Cigales

Vous pouvez continuer à transmettre vos observations en ligne, l'enquête n'est pas "bouclée" comme certains d'entre pouvaient le penser. On travaille sur la synthèse nationale, mais nous avons beaucoup de retard et la parution n'interviendra, au mieux, qu'au printemps 2018. Onem France



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Alain LIVORY, 1995. in L’ARGIOPE, 10 : 10-11. Bulletin de l’Association Manche-Nature

Des Cigales dans la Manche !


Incroyable, inouï ! Après les phasmes, la Vipère aspic et autres pies-grièches venues du Sud, de nouveaux envahisseurs s'apprêtaient à coloniser notre département. Un rien et je ne vous épargnais pas un article à sensation sur cette nouvelle migration digne des Sarrasins qui eux cependant ne dépassèrent pas Poitiers et je n'aurais pas manqué de la mettre en corrélation avec l'été brillant que nous avons connu. Hélas, c'était s'emballer un peu vite car l'affaire était suspecte. Ça sentait plutôt le passager clandestin que l'émigrant muni d'un passeport bien en règle… mais je préfère vous conter l'événement.

17 août 1995 : coup de fil de notre cher président dont la propre sœur aurait écouté et même photographié une cigale à Yquelon près de Granville. Je dis "aurait" parce que quand même, on a beau savoir à quoi ressemble une cigale mais la voir de ses yeux sur les côtes de la Manche ! Vous êtes sûr ? Vous savez, la Grande Sauterelle...ou la Courtilière. Bref, j'avais confiance mais je préférais vérifier l'information. Et puis, des cigales, il n'y en a pas qu'une !

Yves se renseigne. Paraîtrait que les riverains entendent chanter l'insecte méridional depuis au moins l'an dernier, que cela ne semble pas les émouvoir outre mesure. Mais où se croient-ils ? Dans le maquis corse !

21 août : nous nous rendons, Roselyne Coulomb, Yves Grall, Jean Jacques Morère et moi-même sur les lieux de la découverte, bien décidés à faire l'impossible pour approcher la bête. II fait chaud, c'est le milieu de l'après-midi. Les conditions sont idéales. Et en effet, à peine avons-nous entrouvert les portières que la puissante et inimitable cymbalisation nous parvient : c'est à n'en pas douter une cigale, Françoise avait raison ! Une chance : elle est juchée, tête en haut, au sommet d'un poteau de clôture en ciment d'environ 2 mètres, à portée de longue-vue. Elle nous apparaît de profil. Nous avons tout loisir de la décrire minutieusement et, pour augmenter les chances de l'identifier, je m'approche à pas de loup du côté opposé au poteau, hors de vue de l'insecte que je sais méfiant et lui présente délicatement un magnétophone à cassettes. Une voix de stentor enregistrée à quelques centimètres, même avec un appareil médiocre ! Je vous laisse imaginer le résultat.

Il n'y a pas eu besoin d'envoyer la bande et la fiche de signalisation à un spécialiste de ce groupe car la cigale d'Yquelon est la seule qui, à ma connaissance, arbore une série de petites taches sombres sur les ailes : la Cigale de l'orne (rien à voir je vous le jure avec le département ! L'orne est une sorte de frêne) qualifiée aussi de grise ou de panachée, CICADA ORNI.

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Stupéfiante n'est-ce pas cette cigale aux portes de Granville ? Seulement voilà, notre découverte ne passera pas à la postérité. Tout au plus laissera-t-elle le souvenir d'une anecdotique et singulière trouvaille. Quatre raisons au moins font songer à une introduction accidentelle :

1°) Contrairement à d'autres espèces qui remontent loin au Nord (Tibicina haematodes. Cicadetta montana ...). Cicada orni ne dépasse guère le Massif Central.

2°) Une colonisation même éphémère de notre département concernerait au minimum une petite population pionnière. Or nos recherches ne nous ont permis de contacter que ce seul mâle qui sans doute aura eu bien du souci pour séduire une compagne.

3°) Selon les auteurs. la Cigale de l'orne vit sur les pins et sur les oliviers. Point d'oliviers bien sûr chez nous. mais pas de pins dans les environs immédiats, seulement une haie de Cupressus. Des migrateurs n'auraient-ils pas choisi pour s'établir des pinèdes telles qu'on en trouve aux environs de Granville ?

4°) Enfin et surtout, l'élément le plus suspect de l'affaire, celui qui emporte la conviction : derrière la dite haie, est établie une jardinerie! Renseignements pris par Yves, l'établissement a récemment reçu un stock de lauriers-roses en containers en provenance... d'Italie. De là à penser que notre cigale a fait le voyage gratis et incognito, il n'y a pas loin. Je veux dire sous forme de larve, une sur des milliers qui aura survécu miraculeusement aux insecticides. Et puis, au début de l'été, transportée en Normandie, la larve sera grimpée dans un arbuste pour effectuer sa dernière métamorphose et ...ciao !!!

Alain Livory

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