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Enquête Cigales

Vous pouvez continuer à transmettre vos observations en ligne, l'enquête n'est pas "bouclée" comme certains d'entre pouvaient le penser. On travaille sur la synthèse nationale, mais nous avons beaucoup de retard et la parution n'interviendra, au mieux, qu'au printemps 2018. Onem France



A propos de la présence de la petite cigale Cicadetta montana en Haute-Marne*

Par Jean-Marie ROYER

Les cigales représentant la famille des Cicadidés (Homoptères), sont des insectes bien connus. Elles sont surtout remarquables par leurs organes stridulents que seuls les mâles possèdent. Elles vivent au plus chaud de l'été sur les arbres, dont elles piquent les jeunes rameaux pour en aspirer la sève, durant cinq à six semaines. La femelle pond dans de menus rameaux secs quelques dizaines d'œufs blancs en été. Eclose en octobre les larves tombent à terre et s'enfoncent dans le sol où elles vivent quatre années, se nourrissant de la sève racinaire. Le moment venu, c'est-à-dire fin juin de la quatrième année, la larve remonte à la surface du sol, grimpe dans une broussaille où fixée sur un rameau elle opère sa dernière métamorphose. Si elles sont surtout méridionales, certaines espèces de cigales remontent dans le Massif Central, voire jusqu'à Dijon et Fontainebleau pour Tibicina haematodes. La plus petite de toutes, Cicadetta montana* [en fait, Cicadetta montana n'est pas la plus petite Cigale française], se trouve jusque dans le Sud de l'Angleterre.

C'est cette dernière que j'ai observée en Haute-Marne notamment aux environs de Chaumont et dans la Meuse vers Commercy. Durant la semaine du 20 au 26 juin, j'ai eu l'occasion d'étudier une éclosion exceptionnelle de petites cigales sur la butte de Binvaux à Meures. J'ai pu compter jusqu'à vingt-trois mues de cigales nouvellement écloses. L'observation de la métamorphose de l'un des imagos a permis de constater qu'à sa sortie sa couleur est d'un beau vert et non noir comme plus tard. Bien que dénommée petite, cette cigale mesure cependant entre 15 et 20 millimètres de long.

La végétation de Binvaux est une pelouse mésoxérophile calcicole (Chloro-Brometum) plus ou moins ravinée et plus ou moins embroussaillée (JC. RAMEAU et JM. ROYER, 1975). Le noisetier, qu'affectionne Cicadetta montana*, est fréquent dans les broussailles de cette butte. Les pelouses calcicoles sont des milieux très riches, notamment en espèces végétales d'origine méditerranéenne remontées vers le nord. En Haute-Marne deux voies de migration existent pour de telles espèces : vallée de la Marne (JM. ROYER et B. DIDIER, 1973) et cuesta argovienne. La butte de Binvaux n'est pas très éloignée de la vallée de la Marne et fait partie de la cuesta susnommée : il n'est donc pas étonnant d'y rencontrer de telles espèces. Différentes espèces animales ont utilisé ces voies de migration et se trouvent aujourd'hui localisées au niveau de tels milieux favorables. Outre Cicadetta montana*, on observe dans de nombreuses pelouses des environs de Chaumont la Mante religieuse et bien d'autres insectes méridionaux. Dans la vallée de la Marne se réfugient localement deux serpents venus du sud : la Couleuvre verte et jaune (Zamenis viridiflavus) et la Couleuvre d'Esculape (Elaphe longissima), d'après l'enquête de P. GRANGE (1982).

En guise de conclusion j'exprimerai une nouvelle fois le vœu que ces milieux biologiques exceptionnels que sont les pelouses calcaires soient préservées au maximum, selon les recommandations récentes du Conseil de l'Europe. Le site remarquable de Binvaux mérite d'être conservé à plus d'un titre.

* Nous pensons, d'après les habitats et la localisation des stations cités que l'espèce de Cigale rencontrée ici n'est pas Cicadetta montana (qui est une espèce forestière et de pelouses boisées) mais plutôt Cicadetta cantilatrix (qui est une espèce décrite en 2007 et qui affectionne les pelouses calcicoles en voie d'enfrichement).


Bibliographie

GRANGÉ Patrick, 1982. Répartition des amphibiens et des reptiles de Champagne-Ardenne, Atlas préliminaire, Publication du C.O.C.A, 22 p.

RAMEAU Jean-Claude & ROYER Jean-Marie, 1975. Excursions botaniques et phytosociologiques en Champagne méridionale, I, Marsault, in Bulletin de la Société de Sciences Naturelles et d'Archéologie de Haute-Marne, 20 (12) : 322-326.

ROYER Jean-Marie & DIDIER B., 1973. Remarques phytosociologiques à propos de la découverte d'espèces subméditerranéennes pour la région de Langres, in Bulletin de la Société de Sciences Naturelles et d'Archéologie de Haute-Marne, 20 (4) : 65-70.