Petit Murin Myotis blythii
Préambule au complexe "Grand Myotis"
Nouveau cas d'espèces jumelles où la biométrie classique, sur les membres en particulier, ne permet pas une diagnose sûre.
Bien que le petit Murin ait été décrit, sous plusieurs appellations (blythi TOMES 1857, oxygnathus MONTICELLI 1885), il faut attendre 1961, avec la synthèse de KÖNIG, en liaison avec Mr JEANTET, pour confirmer la présence concommitante des deux espèces dans notre région.
Suite aux différents travaux effectués sur ce couple d'espèces, nous avons retenu, pour notre part, outre l'aspect général qui est un peu différent, deux mesures biométriques qui semblent très nettement discriminantes : la longueur des rangées dentaires (Canine-3ème Molaire), supérieures (CM3) et inférieures (CM3). Qui ont l'avantage d'être relativement faciles à mettre en oeuvre sur ces espèces, animal vivant en main, et très reproductibles, donc fiables (au pied à coulisse).
Et la longueur d'oreille, plus difficile à pratiquer de façon reproductible, mais discréminante dans la mesure où il n'y a pas de recouvrement entre les deux espèces.
En précisant que les deux espèces peuvent se trouver en mélange, en particulier dans les gîtes d'hivernage, mais aussi parfois en reproduction.
Introduction
Sans doute par un effet de sa culture plus méditerranéenne, le petit Murin soigne un peu plus sa présentation, il "fait moins négligé" que son cousin, le poil un rien plus clair et le museau plus net...un peu plus énervé aussi...mais ce ne sont sans doute là qu'une projection de Languedocien !
Un autre critère peut être utilisé en cavité pour distinguer les deux espèces :la présence d'une petite tâche blanche sur le sommet du crâne chez 95% des petits Murins (absente chez le grand).
Jusqu'ici, dans notre région, je n'ai toujours vu les colonies de grands Myotis (myotis et blythi) qu'en mélange avec le Minioptère de Schreiber, constituant le "noyau dur" de l'essaim, groupe de têtes massives à grandes oreilles, plastrons blancs, dépassant de la marée grise des Minioptères serrés les uns contre les autres. Approchant trop près au gré de cette nappe grise au plafond, elle s'étiole en quelques secondes dans un envol soyeux et anarchique. Pour découvrir cette colonne vertébrale de l'essaim, les piliers de la mélée : nos géants calmes. Seigneurs au milieu de la valtaille !
L'autre image que je garde d'une de ces colonies est plus amère. Quelques années après avoir assisté à ce balai dans une galerie de Pézenas, je repassais contrôler la colonie qui devait s'être enrichie des nouveaux-nés... c'était un 11 août. Et ce fut une bien macabre découverte : environ mille cadavres de chauves-souris des deux espèces, mères, nouveaux-nés à différents stades de développement ...et de putréfaction, flottaient à la surface de l'eau qui noyait habituellement la galerie, dans une odeur de mort. Il ne fait aucun doute que le dérangement de la colonie par des intrus qui, par peur, bêtise ou pire, ont perpétré ce massacre stupide dans cette galerie exiguë est à l'origine de cette sinistre vision. Il s'agit sans conteste de la destruction directe la plus importante que nous ayons eu à constater depuis la quinzaine d'années que nous travaillons sur ces animaux, en Languedoc-Roussillon.
CM3 inf à 9,2
CM3 inf à 10,1
oreille inf à 25 mm
Répartition géographique
Un des facteurs qui pourrait expliquer la prépondérance du Grand Murin en zone à influences atlantiques et du Petit Murin dans les méditerranéennes, au sein des essaims mixtes, est la fréquence et les hauteurs de précipitations estivales, durant la période de début d'élevage des jeunes (juin et juillet). Le Petit Murin supporte effectivement assez mal des pluies un peu persistantes, tout comme ses proies préférées : les sauterelles !
Statut Phénologique
Dans les colonies mixtes qui regroupent les deux espèces, ce qui assez fréquent dans notre région (du moins là où le grand Murin est présent), les petits Murins semblent mettre bas un peu plus tard que les grands, plutôt vers la fin juin / début juillet.
Habitat et écologie
Fréquentant des milieux généralement plus chauds que son cousin, il y trouve encore plus facilement les cavités naturelles (ou artificielles) chaudes (au moins 15°C) dont il a besoin pour sa reproduction, ce qui en fait un troglophile assez strict dans notre région.
Son régime alimentaire est nettement plus orienté vers les orthoptères en particulier, prélevés dans des milieux herbacés relativement denses.
Il convient toutefois de moduler ces résultats d'analyse alimentaire par le constat suivant : ces deux espèces jumelles restent des prédateurs généralistes (dont la palette de proies potentielles est large, et varie en fonction des lieux et de la saison)
De plus, il faut ajouter que la profusion des insectes, et la connaissance assez partielle que l'on a de ce monde donnent à ces études alimentaires un caractère indicatif, certes précieux quant à l'utilisation du territoire, au mode de chasse, aux types de proies et quelques autres éléments nécessaires à la protection de ces animaux, mais qu'elles prouvent aussi leur capacité à optimiser les opportunités du territoire qu'elles fréquentent.
Il semble être un peu plus mobile que son grand cousin, capable de franchir les Pyrénées (max 600 km), présentant parfois des transits entre gîtes hivernaux et estivaux, qui sont à la limite des déplacements saisonniers et des migrations. Encore faudrait il définir cette limite et sa signification.
Avenir de l'espèce
Cavernicole assez strict, très souvent associé au Minioptère lors de la reproduction, souvent avec le Rhinolophe euryale, et avec le Murin de Capaccini dans la zone euméditerranéenne, il fait, comme eux, les frais des aménagements de cavités pour le tourisme, du dérangement par divers publics d'amateurs non sensibilisés, qu'ils soient archéologues, spéléologues, naturalistes, voire simples curieux. Et quand, en plus, la bêtise est au rendez-vous, cela amène des massacres comme ceux de Pézenas!
Cavernicole aussi durant l'hibernation, il a encore à subir les conséquences des dérangements durant cette saison.
Rappelons que cette période étant encore plus cruciale pour la survie directe des animaux que celle de la reproduction. Il convient donc d'assurer, partout où cela s'avère possible, une tranquillité absolue de tous les sites qui abritent ou ont abrité plus d'une dizaine d'animaux hivernants.
Enfin, leur grande consommation d'insectes eux-même prédateurs d'autres insectes ou de gros herbivores doit poser le problème du devenir des molécules chimiques liées aux divers traitements agricoles dans l'écosystème et à leur impact sur ces deux grands Myotis en particulier. Les phénomènes de concentration au fil des chaines alimentaires pouvant avoir un effet démultiplicateur.
(Texte : Jean Séon)
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carte Petit Murin