Rhinolophe euryale Rhinolophus euryale
Introduction
Est-ce que l'animal que j'ai devant les yeux est un petit ou un grand Rhinolophe, ...un grand petit ou un petit grand ? Dans notre région, si vous vous posez cette question, alors que vous avez déjà eu l'occasion d'observer les deux Rhinolophes les plus courants, alors, vous êtes vraisemblablement en présence d'un euryale.
Un petit coup d'oeil ou de jumelles sur les formations nasales et en particulier sur la selle : la partie supérieure de celle-ci est bien en pointe et nettement proéminente. La diagnose est vérifiée (Cf toutefois les différences avec le Rhinolophe de Méhély)!
La confusion avec le petit Rhinolophe, en particulier, est assez fréquente pour les chiroptérologues débutants.
Outre sa taille intermédiaire entre les deux espèces précédemment citées, un certain nombre d'autres caractères doivent attirer l'attention.
Cet animal, nettement thermophile, est un habitant quasi exclusif des grottes (très rares observations régionales en cave, grenier; parfois dans les mines); il est, de loin, le plus grégaire de la famille.
Ces groupes rassemblent en général quelques dizaines voire centaines d'individus (entre 20 et 800 pour nos observations), souvent très peu ou pas du tout enveloppés dans leurs ailes et très proches (à quelques centimètres, souvent moins de dix) les uns des autres, voire même en essaim (assez fréquent au printemps).
Ces comportements alliés à l'aspect de leurs pelages, souvent moins réguliers, plus "hirsutes", et au ventre souvent plus clairs, que leurs deux cousins leur donnent, en gîte, des airs de Myotis.
Cette nature fortement grégaire explique son assez fréquent mélange avec d'autres espèces, en particulier avec le Minioptère, mais le plus souvent à l'écart de la plaque principale. Nous y reviendrons dans le chapitre consacré à sa biologie.
Statut régional
Cette espèce s'affirme clairement, au niveau de la région, comme une espèce sédentaire, à la fois en reproduction et en hivernage.
Trois observations de groupe de femelles en fin de gestation vers le 20 juin (sur plusieurs années) laissent supposer un pic de mise bas probable un peu avant la fin juin. Ce qui peut expliquer sa capacité à coloniser des zones moins méditerranéens que le Capaccini (mettant bas fin mai).
La sortie d'hivernage semble pouvoir être relativement précoce, en fonction des conditions météorologiques. Certains sites d'hivernage pouvant être complètement désertés dès le 20 février, alors qu'ils accueillent régulièrement plus d'une centaine d'euryales hibernants, sans que l'on puisse mettre en cause des dérangements quelconques.
Habitat ét écologie
Troglophile strict, nous l'avons dit. Le nombre de grottes où la présence d'animaux ou d'indices (guano, cadavres) est relevé finit par être assez important.
Mais, plus qu'un indice d'abondance, nous avons tendance à voir là un effet de la forte mobilité de cette espèce. En effet, nous ne connaissons pas, par exemple, de cavité qui abrite, sans discontinuité, une colonie de reproduction (entre début juin et mi-août).
Par ailleurs, c'est l'espèce qui montre le plus faible taux de reprise lors des opérations de baguage de Mr JEANTET.
Outre une sensibilité extrêmement forte à tous dérangement, ces faits nous amènent à penser que l'espèce utilise, en particulier pour sa reproduction, non pas une cavité unique, mais une série de cavités présentant une gamme de conditions bioclimatiques représentant l'évolution des besoins (en terme de température et d'humidité) des femelles et des jeunes au cours de cette période.
Nous aurions tendance à distinguer les cavités d'hibernation profonde (de mi/fin décembre à la mi/fin février), de pré et post hivernage ( de novembre à la mi décembre, et en mars-avril), celles liées à la gestation (mai(?) et juin), d'autres à la mise-bas et/ou l'élevage des jeunes (juillet-août) et enfin des cavités "d'émancipation" (en septembre, octobre(?)) où l'on retrouve des groupes composés essentiellement de jeunes de l'année.
Ce phénomène semble se retrouver au moins chez les deux autres Rhinolophes, certes de façon moins marquée mais néanmoins notable.
Il est bien sur possible qu'un site unique présente ces différentes caractéristiques, mais le cas semble rare dans notre région, actuellement.
Ces conclusions nous semblent devoir aussi être rapprochées de l'évidente facilité qu'a cette espèce pour coloniser des cavités de volume et de développement assez faibles.
Si BROSSET a considéré cette espèce comme l'une des plus menacées de France, c'est, d'une part, parce que sa régression a été manifeste mais, nous semble-t-il, aussi du fait de cette mobilité, probablement forcée (liée aux dérangements humains dans les sites uniques) mais aussi "préexistante"; nettement plus rapide que pour le Murin de Capaccini ou le Minioptére, pour ne citer que de ses deux fréquents commensaux. L'espèce déserte très rapidement une grotte où elle a été dérangée, pour devenir une sorte d'espèce nomade visitant, de façon non aléatoire, un ensemble de cavités sur son territoire.
Ce comportement constitue d'ailleurs une gêne certaine dans le suivi, en particulier estival, de cette population.
Les données que nous possédont montrent que les cavités d'hibernation profonde sont plutôt fraiches (11°C à 13°C), très humides (toujours proches de la saturation) et très tranquilles, les animaux étant généralement vers le fond de la cavité, où l'ambiance est la plus stable.
Celles utilisées pour la reproduction, en particulier après la mise-bas, nous semblent manifestement chaudes (16/17°C) et souvent très sèches (75/80%). Les animaux sont alors souvent proches des entrées, semblant rechercher le maximum de chaleur, sans craindre la faible hygrométrie associée. Ce qui explique, par contrecoup, les mentions " gîtes estivaux à proximité de l'eau" dans la bibliographie.
Rappelons, à propos des colonies de reproduction de cette espèce, qu'elles accueillent une inhabituelle proportion des mâles.
Enfin, on ignore encore beaucoup de chose sur sa biologie, les éléments évoqués ci-dessus ne constituant, pour l'instant, que des pistes. Les données sur son régime alimentaire sont très fragmentaires; elles indiquent une prédation sur les Lépidoptères. L'étendue et la composition des territoires de chasse n'est pas connue. On peut toutefois relever une constante sur les environs des gîtes connus : la large dominance de la forêt (de la chênaie verte en particulier) et, dans une moindre mesure, des landes sèches.
Les émissions ultrasonores, de fréquence quasiconstante sont de l'ordre de 103 kHz.
Avenir de l'espèce
L'espèce a disparu de la frange septentrionale de son aire de répartition et les principaux gîtes (de reproduction) connus dans la région Sud-Est ne sont plus occuppés, manifestement du fait des dérangements.
Compte tenu de ce qui a été dit précedemment, on peut espérer que l'espèce soit moins rare qu'on ne l'estime généralement, en particulier sur la zone des piémonts de notre Région.
On peut en tirer aussi la conclusion que la mise en tranquillité de quelques cavités judicieusement choisies pourra fixer quelques colonies. C'est tout ce qu'on peut souhaiter pour le maintien et une meilleure connaissance de cette espèce, pour nous, une des plus sensibles et des plus représentatives de notre faune.
Texte : Jean Séon
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carte Rhinolophe euryale