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Atlas Chiroptères du Midi méditerranéen
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Molosse de Cestoni Tadarida teniotis


Introduction

Le Molosse de Cestoni, seul représentant européen de la grande famille tropicale des molossidés, est un habitant des fissures haut perchées et en surplomb des falaises ou de leur équivalent dans les immeubles, à l'instar du Pont-du-Gard ou des Arènes de Nîmes. Il s'agit donc en toute logique d'un chiroptère de haut vol aux ailes longues et effilées. Son allure est assez caractéristique : une de nos plus grandes espèces avec une envergure de plus de 40 cm pour une trentaine de grammes, une tête aux larges oreilles rabattues vers le museau qui rappelle une gueule de chien, et surtout une queue libre, dépassant largement de l'uropatagium sur laquelle il coulisse (seul chiroptère européen à présenter ce détail).

La nuit presque tombée, les Martinets alpins avec qui il partage assez souvent les mêmes sites, couchés, une ombre se détache d'une voute de pont, d'une falaise ou d'un rebord d'immeuble pour tourner, bientôt rejoint par ses congénères. Ce petit manège dure une demi-heure, le temps que l'ensemble de la colonie sorte. Ces instants sont peuplés de "tsic" puissants et parfaitement audibles pour l'homme, répétés, rapides pour ceux qui sont encore au gîte, plus espacés pour ceux qui sont déjà en vol.
Ces cris d'écholocation qui sont les plus "graves" parmi les chiroptères européens (9 à 16 khz), sont sans doute la façon la plus sure de reconnaître cette espèce qui descend rarement au dessous d'une dizaine de mètres du sol, et donc ne s'observe que rarement. Attention toutefois à ne pas le confondre avec les cris bas de la Grande Noctule qui elle peut émettre à 12-13 khz en battement zéro. Le Molosse se reconnaitra alors à la régularité de ses cris et aux accélérations (buzz) qui précèdent la capture d'une proie. Ses buzz sont en effet encore audibles à l'oreille alors que cela n'est pas le cas chez la Grande noctule dont les fréquences de buzz se situent trop haut pour être audibles.

Puis, assez soudainement, c'est le calme : tout le monde est parti en quête de nourriture, apparemment dans la même direction.
C'est le Pont du Gard (et les Gorges du Gardon) qui nous a offert les plus belles observations d'animaux au gîte, la petite colonie qui s'y trouve étant connue depuis 1960 (KÖNIG et ISSEL). La première découverte sur la région (plusieurs stations étaient déjà connues en PACA).
Il suffit de s'allonger sous les arches du milieu de l'aqueduc, muni de jumelles ou d'un télescope, voire d'un ami qui réfléchira, à l'aide d'un miroir, la lumière du soleil jusque dans une des fissures occupées et d'observer, quelques quinze mètres plus haut, ce qui semble d'abord une boule sombre accrochée sur une lèvre de la pierre. Le grossissement et la lumière aidant, la boule s'avère une tête lourde, encadrée de deux épaules puissantes; imaginez un dogue noir, placide, la babine tombant bas, coiffé d'une énorme casquette de gavroche qui lui revient sur le museau et qui vous regarde en se demandant probablement "mais comment peut on faire une vrai sieste en restant couché à plat ?"

Une autre observation relatée par Jean Séon, un peu plus inhabituelle, fut celle d'un Molosse dans un cinéma du Vigan, le 17 novembre 1998.

"Une masse fuligineuse plaquée au mur attira l'oeil de mon fils. "Papa, regarde, il y a une chauve-souris". Pas de doute possible : la taille, la couleur, la "casquette de Gavroche": un Molosse. Nous n'étions pas seuls à l'avoir aperçu; il faut dire qu'il s'envolait de temps à autre, en poussant quelques "tsiks" puissants, peu discrets, mais encore assez proche du plafond qui se trouvait à une dizaine de métres de haut.
Puis l'obscurité tomba et le film démarra doucement dans des tons rouges et noirs; le Molosse s'enhardit donc à voler de façon un peu plus constante et descendant jusqu'à moins d'un mètre de la tête des spectateurs. Sans que ceux-ci ne s'en émeuvent particulièrement. Il se posait par instants sur l'écran ou un mur. Le manège dura cinq -dix minutes, jusqu'à ce qu'il retrouve le chemin de la dalle de plafond suspendu manquante qui lui avait permis de partager avec nous ce petit moment de culture ! Je ne sais toujours pas ce qui me surprit le plus, de cette jolie surprise ou de la réaction somme toute assez zen des spectateurs."

Phénologie

L'espèce est sédentaire dans notre région.
Les preuves de reproduction certaines sont rares et concernent essentiellement les parties basses de la Région. Les sites d'hivernage avéré se situant dans les mêmes zones. Les autres observations concernant des individus ou petits groupes en vol de chasse, donc difficile à interpréter. Il semble toutefois assez probable, d'après les observations des Alpes, que des colonies puissent s'établir sur des sites de l'étage montagnard.
La mise bas semble relativement tardive pour une espèce considérée comme méditerranéenne puisqu'elle ne semble intervenir vers les derniers jours de juin, comme le Rhinolophe euryale, ce qui peut aussi expliquer sa capacité à coloniser des régions au delà de la stricte zone méditerranéenne.
Nous avons noté des animaux actifs régulièrement jusque vers la fin novembre et dès la mi février. D'après nos observations, essentiellement en zone méditerranéenne, l'hibernation intervient entre le 15-20 décembre et la mi février, avec vraisemblablement quelques sorties dans la première quinzaine de janvier qui bénéficie souvent d'un redoux.
Il semble probable que les copulations n'interviennent qu'au printemps, plutôt qu'à l'automne, comme c'est le cas chez la plupart des espèces.


Habitat et écologie

Le gite type est une fissure verticale de 4 ou 5 centimètres de large, en falaise, située à 10-15 mètres au moins du sol; il s'agit donc, la plupart du temps, de l'espace entre le "miroir" principal de falaise et un placage rocheux en émergeant. Mais les gîtes de remplacement dans les constructions ne sont pas exceptionnels pourvu qu'ils remplissent les mêmes conditions : hauteur par rapport au sol, largeur et en général verticalité.
C'est pourquoi plusieurs fissures dans les voutes d'arches du Pont du Gard sont utilisées pratiquement tout au long de l'année (de mars à novembre au moins).
A Nîmes même, il m'est arrivé d'entendre des groupes de Molosses vers des sommets d'immeubles, à l'heure habituelle de leur sortie. Il est probable qu'il s'agissait de colonies gîtant dans les rebords verticaux des toitures en terrasse. Il est bien présent à Montpellier également.
Il n'est pas rare, durant l'été et surtout l'automne, d'entendre des Molosses chasser en altitude (2000/2400m), y compris parfois, lors de nuits avec des températures négatives. A BERTRAND le dit actif généralement lorsque la température dépasse 6°C.
Une autre de ses caractéristiques, qui, elle, limite sa capacité à s'éloigner de la zone d'influences méditérranéennes, semble être la difficulté qu'il a à supporter une hibernation longue (supérieure à un mois et demi, deux mois).
Plus encore que pour les autres espèces méditerranéennes, nous manquons de renseignements sur le rayon de chasse de ces colonies qui est vraisemblablement important, compte tenu de ses capacités de vol rapide, et sur son régime alimentaire.
Les quelques guanos sommairement analysés contenaient des restes de gros coléoptères et de Papillons. La plupart des zones utilisées pour la chasse semblent montrer une dominante ouverte avec un encombrement de ligneux hauts relativement faibles.
L'ensemble des cris reste dans l'audible (inférieur à 18 kHz), y compris le final de capture, lorsque les émissions s'accélèrent et se font plus aigües. Il s'agit là, à notre avis de la séquence la plus caractéristique de cette espèce; et qui permet de la différencier, à l'oreille, des cris de chasse des Noctules (un peu plus haut en fréquences) et des cris sociaux de la Sérotine qui sont aussi puissants ou presque, mais chez qui on ne retrouve pas ce final de capture dans l'audible.

Avenir de l'espèce

Il ne semble pas peser de menaces particulières sur cette espèce du fait de ses gîtes relativement à l'abri, si ce n'est en cas de dérangements dans les immeubles et parfois lors de la consolidation de vieux ouvrages d'art (Pont du Gard).
La déprise agricole et l'extension de la forêt peuvent constituer des facteurs négatifs, ainsi, bien sur que l'utilisation forte des insecticides.
L'effort des années à venir devra porter surtout sur un affinage de nos connaissances sur cette espèce.


Texte : Jean Séon, Thierry Disca

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