Rhinolophe euryale Rhinolophus euryale
Introduction
Est-ce que l'animal que j'ai devant les yeux est un petit ou un grand Rhinolophe, ...un grand petit ou un petit grand ? Dans notre région, si vous vous posez cette question, alors que vous avez déjà eu l'occasion d'observer les deux Rhinolophes les plus courants, alors, vous êtes vraisemblablement en présence d'un euryale.
Un petit coup d'œil ou de jumelles sur les formations nasales et en particulier sur la selle : la partie supérieure de celle-ci est bien en pointe et nettement proéminente. Attention toutefois avec ce critère qui permet difficilement de le distinguer du Rhinolophe de Méhély ! L'observation attentive de la disposition plus rapprochée et de la taille des yeux nettement plus petite apparaît être un bien meilleur critère.
La confusion avec le petit Rhinolophe, en particulier, est assez fréquente pour les chiroptérologues débutants. Outre sa taille intermédiaire entre les deux espèces précédemment citées, un certain nombre d'autres caractères doivent attirer l'attention.
Cet animal est un habitant quasi exclusif des grottes (très rares observations régionales en cave, grenier; parfois dans les mines); il est, de loin, le plus grégaire de la famille. Les groupes rassemblent en général quelques dizaines voire centaines d'individus (entre 20 et 1000 pour nos observations), souvent très peu ou pas du tout enveloppés dans leurs ailes et très proches (à quelques centimètres, souvent moins de dix) les uns des autres, voire même en essaim (assez fréquent au printemps).
Ces comportements alliés à l'aspect de leur pelage, souvent moins régulier, plus "hirsute", et au ventre souvent plus clair, que leurs deux cousins permettent de conforter assez facilement la détermination du Rhinolophe euryale.
Les émissions ultrasonores, de type fréquence constante (FC) sont calées entre 101 et 106 khz, mais régulièrement autour de 102-103 kHz.
Statut régional
En Languedoc-Roussillon, le Rhinolophe euryale s'affirme clairement comme une espèce sédentaire, à la fois en reproduction et en hivernage. Il est surtout présent sur les piémonts supra-méditerranéens des Cévennes, de la Montagne Noire (Avants-Monts, Minervois), des Hautes Corbières et des Pyrénées. Quelques populations relictuelles (?) se rencontrent cependant dans l'aire des garrigues, entre autres dans les Basses-Corbières et les Albères, tandis que celles du littoral ont disparu, bien que ces dernières années quelques individus aient été découvert ici et là, notamment sur la Clape et ses environs. Il semble éteint en Lozère où la dernière mention (deux individus bagués dans une grange près de Florac) date de 1954.
Cette répartition qui semble éviter les plaines franchement méditerranéennes implique que le Rhinolophe euryale est est peut-être l’espèce la plus fragile de notre région avec seulement trois gros noyaux de population qui apparaissent a priori isolés : le piémont pyrénéen, le Piémont Causses et Cévennes et les piémonts de la Montagne Noire. Par ailleurs, depuis les années 1960, où les observations de gros rassemblement de plusieurs centaines d’individus n’étaient pas rares, les effectifs de Rhinolophe euryale n’ont cessé de décliner. La population languedocienne demeure aujourd'hui relativement stable et est estimée à 4500-5000 individus en 2010 (données GCLR), dont la moitié se trouve dans les départements des Pyrénées-Orientales et de l’Aude. Les populations héraultaise et gardoise sont aujourd’hui relictuelles, avec des difficultés à trouver des colonies de mise-bas.
Habitat et écologie
Le Rhinolophe euryale est surtout cavernicole, hibernant et se reproduisant dans les cavités (naturelle ou artificielles comme les mines) d’une tranquillité absolue, bien que certaines colonies puissent se retrouver en bâti. Le nombre de grottes où la présence d'animaux ou d'indices (guano, cadavres) est avérée finit par être assez important. Mais, plus qu'un indice d'abondance, nous avons tendance à voir là un effet de la forte mobilité de cette espèce. En effet, nous connaissons seulement une dizaine de cavités qui abrite, sans discontinuité, une colonie de parturition (entre début juin et mi-août). Trois observations de groupe de femelles en fin de gestation vers le 20 juin (sur plusieurs années) laissent supposer que le pic de mise bas se situe probablement un peu avant la fin juin, voire début juillet.
La sortie d'hivernage semble pouvoir être relativement précoce, en fonction des conditions météorologiques. Certains sites d'hibernation pouvant être complètement désertés dès le 20 février, alors qu'ils accueillent régulièrement plus d'une centaine d'euryales, sans que l'on puisse mettre en cause des dérangements quelconques. Par ailleurs, c'est l'espèce qui montre le plus faible taux de reprise lors des opérations de baguage de Mr JEANTET.
Outre une sensibilité extrêmement forte à tout dérangement, ces faits nous amènent à penser que l'espèce utilise, en particulier pour sa reproduction, non pas une cavité unique, mais une série de cavités offrant une gamme de conditions bioclimatiques selon l'évolution des besoins (en terme de température et d'humidité) des femelles et des jeunes au cours de cette période.
Nous aurions tendance à distinguer les cavités d'hibernation profonde (de mi/fin décembre à la mi/fin février), de pré et post hivernage (de novembre à la mi décembre, et en mars-avril), celles liées à la gestation (mai(?) et juin), d'autres à la mise-bas et/ou l'élevage des jeunes (juillet-août) et enfin des cavités "d'émancipation" (en septembre, octobre(?)) où l'on retrouve des groupes composés essentiellement de jeunes de l'année.
Ce phénomène semble se retrouver au moins chez les deux autres Rhinolophes, certes de façon moins marquée mais néanmoins notable. Il est bien sur possible qu'un site unique présente ces différentes caractéristiques, mais le cas semble rare dans notre région, actuellement.
Ces conclusions nous semblent devoir aussi être rapprochées de l'évidente facilité qu'a cette espèce pour coloniser des cavités de volume et de développement assez faibles.
Si BROSSET a considéré cette espèce comme l'une des plus menacées de France, c'est, d'une part, parce que sa régression a été manifeste mais, nous semble-t-il, aussi du fait de cette mobilité, probablement forcée (liée aux dérangements humains dans les sites uniques) mais aussi "préexistante"; nettement plus rapide que pour le Murin de Capaccini ou le Minioptère, pour ne citer que de ses deux fréquents commensaux. L'espèce déserte très rapidement une grotte où elle a été dérangée, pour devenir une sorte d'espèce nomade visitant, de façon non aléatoire, un ensemble de cavités sur son territoire. Ce comportement constitue d'ailleurs une gêne certaine dans le suivi, en particulier estival, de cette population.
Les données que nous possédons montrent que les cavités d'hibernation profonde sont plutôt fraiches (11°C à 13°C), très humides (toujours proches de la saturation) et très tranquilles, les animaux étant généralement vers le fond de la cavité, où l'ambiance est la plus stable.
Celles utilisées pour la reproduction, en particulier après la mise-bas, nous semblent manifestement chaudes (16/17°C) et souvent très sèches (75/80%). Les animaux sont alors souvent proches des entrées, semblant rechercher le maximum de chaleur, sans craindre la faible hygrométrie associée. Ce qui explique, par contrecoup, les mentions "gîtes estivaux à proximité de l'eau" dans la bibliographie.
Rappelons, à propos des colonies de reproduction de cette espèce, qu'elles accueillent une inhabituelle proportion des mâles.
Enfin, on ignore encore beaucoup de chose sur sa biologie, les éléments évoqués ci-dessus ne constituant, pour l'instant, que des pistes. Les données sur son régime alimentaire sont très fragmentaires; elles indiquent une prédation sur les Lépidoptères. L'étendue et la composition des territoires de chasse n'est pas connue. On peut toutefois relever une constante sur les environs des gîtes connus : la large dominance de la forêt (de la chênaie verte et pubescente en particulier) et, dans une moindre mesure, des formations arbustives sèches (landes et garrigues).
Avenir de l'espèce
L'espèce a disparu de la frange septentrionale de son aire de répartition et les principaux gîtes (de reproduction) connus dans la région Sud-Est ne sont plus occuppés, manifestement du fait des dérangements.
Compte tenu de ce qui a été dit précedemment, on peut espérer que l'espèce soit moins rare qu'on ne l'estime généralement, en particulier sur la zone des piémonts de notre Région.
On peut en tirer aussi la conclusion que la mise en tranquillité de quelques cavités judicieusement choisies pourra fixer quelques colonies. C'est tout ce qu'on peut souhaiter pour le maintien et une meilleure connaissance de cette espèce, pour nous, une des plus sensibles et des plus représentatives de notre faune.
Texte : Jean Séon - Thierry Disca
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carte Rhinolophe euryale