Barbastelle d'Europe Barbastella barbastellus
©T. Disca
Introduction
Avec sa tête de bouledogue, ces oreilles quadrangulaires dont le bord interne est soudé entre elles à la base ainsi que son pelage presque noir, la Barbastelle est une espèce facilement reconnaissable. C'est toujours une immense joie pour nous de la contacter en Languedoc-Roussillon car elle est plutôt rare dans notre région.
L'identification au détecteur ultrasons de la Barbastelle ne pose pas de difficulté majeur à condition que celui-ci soit muni d'une possibilité d'expansion temporelle, lorsque l'on tombe sur une séquence caractéristique de signaux de chasse de type "tiup-tip, tiup-tip, tiup-tip" un peu façon Pouillot véloce.
Répartition géographique
La Barbastelle occupe en Europe les régions tempérées. Elle est ainsi absente du nord de l'Angleterre et de la Scandinavie mais aussi du sud de l'Espagne, mais elle a été notée au Sud du Maroc.
En Languedoc-Roussillon, elle a pour le moment été contactée dans l'ensemble des départements où elle semble plutôt délaisser la zone franchement méditerranéenne pour occuper les secteurs de moyenne montagne soumise à des précipitations importantes. Ceci dit, un mâle a été capturé à l'amont des gorges du Gardon. Et elle "descend" jusque dans la zone du Chêne vert, à Sumène près de Ganges, à Saint-Hippolyte-du-Fort, et au niveau du Bois de Lens dans le Gard au Nord de Sommières. Ce massif forestier dense est par ailleurs dominé par la présence du Chêne pubescent. Cette zone subméditerranéenne prolonge les Cévennes par une série de reliefs calcaires en "écaille", du Causse d'Aumelas au bassin d'Alès, qui constituent un ensemble particulier, aux précipitations et à la fraicheur hivernale plus marqué que sur la plaine littorale. Cette donnée biogéographique peut expliquer la présence de la Barbastelle sur cette zone de transition avec le secteur cévenole où les environs d'Alzon, les contreforts de la montagne du Lingas et le massif de l'Aigoual recueillent l'essentiel des données. La Barbastelle serait donc à rechercher dans le Bois de la Rouvière, au Nord-Ouest de Montpellier, ainsi qu'au Nord d'Uzès d'ambiance de chênaie pubescente, et dans le massif forestier de Vallebone (au Nord de la vallée de la Cèze) où le Hêtre et le Chêne sessile sont présents et cotoient le Chêne pubescent.
Dans l'Hérault, elle est surtout notée dans le Haut-Languedoc et en Montagne noire où elle occupe les secteurs de Hêtraie. Mais elle descend jusque sur le bassin du Salagou à l'Est, dans des secteurs à dominante méditerranéenne.
Dans l'Aude, la Barbastelle est surtout présente sur l'arrière-pays, vers les hautes Corbières, la haute vallée de l'Aude et le Cabardès, mais une donnée automnale récente provient du massif forestier de Fonfroide, dans les basses Corbières méditerranéennes. Elle est étonnament rare dans les forêts des Pyrénées-Orientales.
En Lozère, les mentions sont plus nombreuses avec des contacts obtenus par captures au filet en fin de saison estivale. Elle semble bien présente dans la vallée du Lot en avale de Mende ainsi que sur le Tarn en aval de St Enimie. Quelques individus ont aussi été contactés dans la vallée de la Mimente, du Tarnon, de la Jonte.
Statut phénologique
Sa reproduction n'a été constatée en Languedoc-Roussillon que dans le Gard. Sur la commune de St Sauveur des Pourcils, une femelle allaitante a été capturée dans une petite colonie de 15 à 20 individus, trouvée derrière un volet. Des femelles allaitantes et des jeunes volants ont également été attrapés à la limite du Gard et de l'Aveyron au dessus de la Vis. En Lozère, la capture de deux femelles allaitantes dans la vallée du Lot laisse supposer une reproduction possible bien qu'aucune colonie de mise bas ou de rassemblement estival n'ait été trouvé à ce jour.
L'hivernage de cette espèce en Languedoc-Roussillon n'est pas facile à comptabiliser tant les contacts obtenus à ce jour sont peu nombreux, l'effort de prospection ne pouvant se réaliser qu'en cavités. Parmi celles-ci, seules quelques unes ont montré des Barbastelles en hiver, notamment sur le piémont du massif de l'Aigoual, dans la région du Vigan. Quelques observations sporadiques ont aussi eu lieu dans l'Aude et l'hivernage vient d'être découvert récemment en Lozère. Seulement deux individus ont été trouvés dans la vallée du Lot mais un suivi plus approfondit pourrait révéler une présence régulière durant l'hiver de cette espèce dans ce secteur.
Habitats et écologie
Les milieux exploités par la Barbastelle sont caractérisés par une ambiance nettement forestière ou bocagère dans les zones de moyenne montagne compris entre 450 et 900 mètres. Il s'agit surtout de forêts caducifoliées type Chênaie de Ch. pubescent ou de Ch. sessile, ou de Hêtraie, même si quelques contacts ont eu lieu dans des plantations de résineux qui se situaient en marge de Hêtraie. Elle est la plupart du temps capturée en entrée de grotte dans les milieux rupestres calcaires en Lozère, mais aussi, peut-être plus rarement, au-dessus de l'eau en milieu forestier ou en fond de vallon. Dans la vallée du Lot où elle est connue comme assez fréquente, les milieux environnant sont composés de ripisylve, de zones bocagères limitées au fond de vallée, de forêts de conifères (Pin sylvestre et Pin noir) en ubac essentiellement, avec quelques coupes à blanc, de forêts claires à Chêne pubescent en adret, déboulis rocheux et de falaises. Dans les Cévennes, notamment sur le massif de l'Aigoual, les belles pinèdes à Pin sylvestre et la hêtraie constituent des habitats attractifs tant du point de vue de la ressource alimentaire que de l'offre en gîtes. Plusieurs données concernent également la partie méridionale du Causse du Larzac où elle a été notée sur pelouse caussenarde en lisière de boisement de Chêne pubescent et capturée sur une lavogne (St Maurice-de-Navacelles). Ce paysage des causses composé de steppe entremêlée d'espaces boisés semble donc également être utilisé.
Connue en France et en Europe pour affectionner les milieux forestiers, il semble donc que la Barbastelle exploite dautres types de milieux plus complexes où alternent des zones ouvertes et des zones forestières. Cette espèce, encore assez mal connue, devrait nous révéler quelques-uns un de ces secrets dans les années à venir. Les territoires de chasse seraient situés dans un rayon maximum de 30 kilomètres autour des gîtes de mise-bas (ROUE, 1998).
Certaines observations suggèrent que la Barbastelle puisse effectuer des déplacement importants notamment à l'automne. La capture de sept individus en sortie de cavité à la Baume Dolante en Lozère le trois septembre laisse supposer de tels déplacements car d'autres séances de capture dans cette grotte se sont révélées négatives quant à sa présence. Les données de basse altitude, notamment les gorges du Gardon ou le massif de Fontfroide au Sud-Ouest de Narbonne, sont peut-être aussi le fait d'individus en migration.
De part sa gueule minuscule, doté dune musculature réduite, la Barbastelle s'alimente de proies de petite taille, composées pour l'essentiel de microlépidoptères (SIERRO, 1997 ; ROUE, 1998) et dans une moindre part de diptères et d'arachnides (ROUE, 1998).
Avenir de l’espèce
Dans l'état actuel de nos connaissances, il est difficile de définir le statut et les menaces qui pèsent sur cette espèce. Pourtant, même si les données se font moins rares en zone de moyenne montagne, notamment grace à un effort de prospection plus accru à partir de détecteur à expansion de temps, l'espèce peut être encore considérée comme rare en Languedoc-Roussillon. Pour sa préservation, une attention particulière devra être portée sur la gestion des milieux naturels qu'elle utilise de préférence. En premier lieu, dans les milieux forestiers la gestion sylvicole doit prendre en compte le maintien des vieux arbres fissurés propices à son installation. Dautre part, dans les milieux bocagers le maintien d'un réseau de haies et l'emploi modéré de pesticides devraient être préconisés. Enfin, certaines colonies de reproduction connues en Languedoc-Roussillon se trouvant derrière des volets, une information auprès d'un large public devrait être entreprise afin de prévenir d'éventuel problème de cohabitation.
(Texte : Thierry DISCA)
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carte Barbastelle