Petit Rhinolophe Rhinolophus hipposideros
Introduction
"
Cela faisait un an ou deux que je possédais une autorisation de capture lorsque je décidais de faire une séance de pose de filets sur une réserve naturelle du Gard. Mes filets à peine tirés en travers de la rivière, la tombée de la nuit m'offrit deux Martins-pêcheurs, éclatant de couleurs, dernier hommage au monde du soleil. Une heure plus tard, dans la nuit noire, un léger bruissement du filet m'indiqua une capture possible; balayant, d'un coup de lampe, les poches de mon filet, je ne décelai la présence d'aucune petite boule de poils. Pourtant, mes cannes à pêche qui servaient de supports aux filets semblaient encore vibrer...! A la fin d'une dernière inspection, le faisceau de la lampe révéla, au sommet de l'une des cannes, un petit pompon attentif muni de deux pavillons rosés en mouvement... un petit Rhinolophe qui avait du juger que ce nouveau perchoir était l'endroit idéal pour découvrir ce que faisait ce calme intrus dans son domaine de chasse. Il resta là quelques dizaines de secondes et ne se décida à quitter sa position que lorsque j'essayais de descendre doucement la perche." (J. Séon).
La curiosité évidente que ces animaux portent à ce qui est nouveau dans leur environnement les rend éminemment sympathiques... pour peu qu'on ne prenne pas ces manœuvres d'approche pour de l'agressivité.
Le petit Rhinolophe est vraisemblablement l'espèce de chauves-souris la plus évidente à découvrir pour le profane et le naturaliste de notre région.
Comme l'ensemble des espèces de cette famille, elle ne se glisse jamais en fissure. On la trouvera, suspendue au plafond d'une cave, d'un grenier ou d'une grotte, en petit groupe ou isolée selon la saison, et le sexe de l'animal.
Ses émissions sonores, en chasse, se situent entre 106 et 112 kHz, ce qui représente des recouvrements avec les deux Rhinolophes méditerranéens (euryale et Méhély, respectivement entre 102 et 106, et entre 105 et 109 kHz). Elles ne sont guère audibles au delà de 5 mètres, au détecteur; et encore faut-il que la tête soit dirigée vers l'appareil.
Nous ne terminerons pas ce paragraphe de présentation de l’espèce sans rappeler qu’une forme particulièrement petite (sous-espèce ?), dite « minimus », se rencontre parfois dans les zones chaudes de plaine.
Statut phénologique
Au niveau régional, près de 100 colonies de reproduction ont été inventoriées, essentiellement dans les zones de piémont.
Cette petite espèce, qui n'a besoin que d'un petit domaine vital, n'effectue pas de migration; elle est au contraire très sédentaire, ne se déplaçant entre gîtes hivernaux et estivaux que de quelques kilomètres (maximum observé 153 km).
Les femelles arrivent sur site dans la deuxième quinzaine d'avril. Les mâles qui gîtent généralement de façon isolée peuvent parfois rejoindre ces nurseries dans le courant du mois de mai. Occupant tout d'abord les endroits les plus abrités et stables en température, les femelles vont, petit à petit gagner les combles, plus chauds où elles resteront actives toute la journée afin de s'occuper de leur jeune. Les mises-bas s'étalent, au sein d'une même colonie, entre la fin juin et la mi-juillet. Bien regroupées en essaim au moment de la mise-bas, les femelles tendent à s'occuper ensuite de leur jeune isolément les unes des autres. Ce constat a été observé sur plusieurs colonies suivies.
Les gîtes de reproduction sont progressivement abandonnés durant la première quinzaine de septembre.
Habitats et écologie
En Languedoc-Roussillon, il s'agit vraisemblablement d'une des espèces les plus couramment contactées, en milieu rural, en particulier sur les premiers reliefs et en moyenne montagne. La plaine littorale semble être évitée ou en tout cas n'accueille quasiment pas ou plus de Petit Rhinolophe. Les régions de l'arrière-pays qui ont subi l'exode rural ont l'avantage de présenter un bâti traditionnel bien réparti sur l'ensemble du territoire et qui n'est que peu ou pas utilisé; et en état de conservation suffisant pour permettre l'installation de colonies de reproduction. Dans cette partie de son aire de répartition, les colonies comptant une vingtaine de femelles se répartissent, tous les deux ou trois kilomètres, le long des vallées. Ce qui laissent supposer des densités (maximales) de l'ordre de 10 animaux au kilomètre carré et que le rayon d'action des animaux se situe entre 1 et 2 km autour du gîte.
A la saison de reproduction, le petit Rhinolophe est une espèce anthropophile assez stricte, les nurseries (en moyenne une vingtaine de femelles, entre 5 et 110 pour les extrêmes) se situant quasi exclusivement dans les bâtiments (jusqu'à 1090 m d'altitude), si possible avec plusieurs ambiances bioclimatiques (maisons à étages ou avec des pièces à expositions différentes...). L'hivernage s'effectue très généralement de façon très diffuse, dans les grottes, mines, terriers, par des individus isolés ou en petits groupes très lâches. Complètement enveloppés dans ses ailes, il ne craint pas de se trouver dans des endroits relativement bien ventilés.
Il faut toutefois relativiser le caractère peu grégaire, voire peu "social" de cette espèce par deux observations : celle d'un essaim "en grappe" de femelles en gîte de reproduction, en début de saison, vraisemblablement lié à une température un peu fraiche de la journée; et celle d'environ 500 individus regroupés dans des galeries d'une station thermale à l'automne.
Les optima de température et d'hygrométrie dans les gîtes hivernaux sont respectivement en moyenne de 10°C (max : 5 - 13°C) et 85% (max 70 - 95%).
L'essentiel de la nourriture est constitué de diptères, de petits lépidoptères et de névroptères.
Avenir de l'espèce
En Europe, c'est une espèce en diminution, voire en extinction sur la limite septentrionale de son aire de répartition.
L'hivernage, principale période de fragilité pour les chauves-souris, étant très diffus chez cette espèce, les sites d'hibernation ne constitueront pas des cibles privilégiées pour la protection.
L'effort ne pourra porter que sur les sites de reproduction. En effet, les bâtiments utilisés à cette fin ne peuvent évoluer, à terme, que de deux façons : soit ils sont laissés à l'abandon, leur toiture s'effondrent, et les colonies les désertent, soit ils sont restaurés, généralement pour en faire des résidences principales ou, très souvent, secondaires et nous sommes, alors contactés pour les évacuer de la façon la moins traumatisante possible,... dans le meilleur des cas. On constate alors des phénomènes de concentration dans les gîtes restants ou de report si le nombre de gîtes possibles et favorables est encore suffisant.
Il convient donc de convaincre les propriétaires de conserver le plus longtemps possible, leur colonie, en aménageant leur cohabitation, ce qui n'est pas toujours simple, en particulier du fait de la nécessité de disposer de plusieurs ambiances au fil de la saison.
Texte : Jean Séon, Thierry Disca
Retour :
carte Petit Rhinolophe