Murin de Daubenton Myotis daubentonii
Introduction
L’identification du morphotype nathalinae (décrit par Y. TUPINIER en 1977 et invalidé par l'étude de BOGDANOWICZ et WOJEIK, 1986) n’a pas été prise en compte lors de nos prospections de terrain. L’analyse statistique sur un échantillon de près de 450 individus capturés en Lozère, et portant sur la biométrie des avant-bras et des poids, n’a fait apparaître aucune tendance laissant supposer la coexistence de deux formes distinctes.
C’est avec la Pipistrelle commune, en quelque sorte, la chauve-souris d’initiation pour qui découvre la chiroptérologie par la technique de capture au filet sur un cours d’eau. Le Murin de Daubenton se caractérise par ses grands pieds, une coloration générale brun-gris, tant de son pelage corporel que de son patagium sans contraste frappant entre le dos et le ventre. La peau de son museau et de ses yeux dégarnis de poils apparaissent le plus souvent rosé ou parfois brun, les oreilles et les tragus sans caractéristiques particulières, ces derniers étant émoussés au bout et ne dépassant pas l'échancrure des oreilles. Les jeunes à l’automne montre un pelage plus gris très homogène et une tâche sombre au menton.
Dans la région, il peut être confondu avec le Murin de Capaccini, plus rare et strictement méditerranéen. Le Murin de Daubenton est légèrement plus petit (Av-bras : 33mm à 42mm contre 38,4mm à 44mm pour le Capaccini), avec des avants-bras plus "grêles" et de fond de teinte plus sombre. Il possède un pelage moins dense, et moins long et tirant sur le bège-brun sur le dos et la tête alors que le Capaccini apparaît généralement gris cendré. Le pelage de la face, notamment sur les joues, le dessus des yeux et le menton est généralement sombre, ce qui n'est pas le cas pour le Capaccini chez qui le poil clair du ventre ne change pas de coloration sous le museau. Le Murin de Daubenton possède également un museau moins large avec des narines peu proéminantes. Les pieds et l'uropatagium sont peu velus, contrairement au Capaccini. Enfin, l'insertion de l'uropatagium (membrane qui entourre la queue) au niveau des pieds, se situe entre la cheville et le milieu de la plante des pieds alors que chez le Murin de Capaccini, cela se situe au dessus de la cheville sur le tibia.
Capturé, le Murin de Daubenton, après quelques tentatives de mordillements, se calme rapidement et se laisse facilement manipuler... Tombant accidentellement à l’eau, ce Murin rejoint sans difficulté la berge par une nage qui consiste en des battements vifs des ailes qui le maintiennent à la surface.
Répartition géographique
C’est l'espèce du genre
Myotis probablement la plus largement distribuée sur l’ensemble de l’Europe occidentale, de 63° de latitude nord en Scandinavie jusqu’au sud de l’Espagne. Mais curieusement l’espèce est absente du Maroc (AULAGNIER & THEVENOT, 1986). La carte proposée par STEBBINGS (1988), sans doute inspiré par l’Atlas des Mammifères sauvages de France (SFEPM, 1984) fait état d’une bande où l’espèce serait absente, en France, du sud-ouest atlantique aux régions méditerranéennes.
La répartition connue actuellement sur le Languedoc-Roussillon ne confirme pas cette absence et, de la Lozère à l’Ariège, le Murin de Daubenton est partout bien présent. Les “trous” sur la carte révèlent plus un défaut de prospection qu’une absence de l’espèce. La plaine littorale du Roussillon à l'Hérault présente néanmoins un déficit flagrant de mention qu'il serait intéressant de préciser pour évaluer si il s'agit d'une réalité biogéographique ou d'une absence de prospection. En outre, aucun effet d’une éventuelle compétition avec son espèce jumelle,
Myotis capaccinii, qui exploite des milieux comparables, n’est décelable, même au contraire la cohabitation des deux espèces est souvent observée.
Mais il apparaît, semble t-il, plus abondant sur l'arrière pays et dans la zone des montagnes qui offrent probablement à l’espèce un ensemble de conditions écologiques plus étendues et favorables à l'espèce. Mais il convient de souligner ici le biais induit par la technique de prospection plus ou moins bien adaptée à la découverte de telle ou telle espèce ; ainsi, le Murin de Daubenton répond-il particulièrement bien à la technique du filet sur l’eau.
Phénologie
Le Murin de Daubenton peut manifester une faible activité dès les premières douceurs du mois de mars, surtout en plaine, mais il sort vraiment d’hibernation fin avril. Peu d’informations ont été collectées sur sa reproduction. Des femelles allaitantes sont notées dans le courant du mois de juillet et des juvéniles volant en août. Ces données atteste du statut reproducteur du Murin de Daubenton en Languedoc-Roussillon de la plaine méditerranéenne à l'arrière-pays montagnard, notamment en Lozère. Les colonies observées comptent de petits effectifs, de l’ordre de 20 ou 30 femelles. Les gîtes les plus faciles à trouver correspondent à des fissures et anfractuosités des jointures de pierre sous des vieux ponts. Mais l’espèce peut aussi bien utiliser les fissures dans une concavité rocheuse de rivière ou les arbres creux en ripisylves, d'où un nombre de colonies connues relativement faible par rapport au nombre de données collectées pour cette espèce.
C'est surtout à l’automne que le Murin de Daubenton manifeste une certaine attraction pour le milieu cavernicole, mais plutôt dans l'arrière pays car les cavités méditerranéennes plus chaudes sont peu fréquentées par les petits myotis à l'exception du Murin de Capaccini. Il entre en hibernation dans le courant du mois d’octobre, novembre en plaine. L’utilisation relativement individuelle de fissures, sous les ponts, en falaises ou dans les grottes, d’anfractuosités ou de draperies dans le milieu souterrain rendent très occasionnels les contacts avec l’espèce lors des prospections hivernales dans le milieu souterrain. Il n’est pas exclu non plus que les populations d’altitude soient adeptes d’une sorte de transhumance qui le long des cours d’eau les emmèneraient passer l’hiver plus en aval.
Dès sa sortie d’hibernation, variable selon l’altitude, le Murin de Daubenton retrouve ses habitudes d’inlassable écumeur des cours d’eau, ne sortant qu’à la nuit tombée. Lors de suivis nocturnes complets, il semble que cette espèce marque un faible temps de repos au coeur de la nuit pour reprendre de nouveau une intense activité au petit matin.
Habitat et écologie
Exclusivement inféodé aux cours et aux plans d’eau, où il se nourrit surtout de Diptères, le Murin de Daubenton affectionne les zones calmes, les sagnoles sur les rivières, les étangs, les lacs naturels et les barrages à condition que les surfaces soient assez grandes pour satisfaire un apport suffisant en nourriture. Il chasse en rasant la surface de l'eau en suivant les bordures et en décrivant de grandes trajectoires rectilignes ou en cercle l'amenant à faire des aller-retour. L’essentiel de son temps nocturne est passé à chasser de cette façon, et la plupart des captures au filet ont lieu dans le premier mètre au-dessus de l’eau. Ce Murin se montre par contre très rarement sur les lavognes, ces petites pièces d’eau des plateaux karstiques. Enfin, plusieurs études hors région montrent qu'il peut également fréquenter les milieux forestiers caducifoliés où il gîte dans les cavités d'arbre et se déplace en empruntant les chemins et corridors et chasse sur les petits étangs de forêt. Ce type de configuration existe en montagne et sur le Haut-Languedoc dans la zone des tourbières.
En Lozère, où c’est une espèce très commune sur les cours d’eau, il est présent, en période estivale, au moins jusqu’à 1350 m sur le mont Lozère et 1200 m sur le massif de l’Aubrac, où il semble exploiter à cette altitude les lacs de ce plateau à condition toutefois qu’ils soient entourés d’une végétation arborée. Ainsi en altitude, l’extension de l’espèce apparaît fortement freinée vers 1200 ou 1300 m, valeurs qui confirment celles déjà signalées dans les Alpes ou le Jura (SAINT-GIRONS, 1973, SFEPM, 1984, HAINARD,1987, 1989, 1997). Des observations prouvent que l’espèce peut atteindre 1500 m dans les Pyrénées-Atlantiques (BERTRAND, 1991) et 1800 m dans les préalpes (CHAPUISAT & RUEDI, 1993). Quoiqu’il en soit, la rareté, l’exiguïté ou la faible productivité biologique des surfaces aquatiques utilisables comme territoires de chasse sont avec l’absence ou la rareté de gîtes idoines pour le repos diurne ou les mises-bas les raisons principales d’une raréfaction de l’espèce en altitude. Néanmoins, les lacs de montagne et des retenues collinaires au dessus de la réserve de Jujols, situés à plus de 2000 mètres comme celui du "Gorg nègre", ont montré des petits myotis en chasse au ras de l'eau dont les caractéristiques acoustiques correspondent fortement au Murin de Daubenton.
Avenir de l'espèce
Le Murin de Daubenton, bien que dépendant du milieu aquatique souvent mis à mal, ne semble pas menacé globalement sur la région. CHAPUISAT & RUEDI (1993) remarquent même que l’eutrophisation des eaux avec l’explosion de Chironomidae pourrait être un facteur favorisant l’augmentation de la population du canton de Vaud en Suisse de ce Murin. Cependant, l’abattage des vieux arbres en ripisylves, notamment avec ce nouvel engouement de nettoyage “systématique” des berges de cours d’eau, la réféction des vieux ponts sont autant d’activités pouvant avoir un impact négatif sur des petites populations locales.
Texte : Rémi Destre, Thierry Disca
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carte Murin de Daubenton