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Lestes macrostigma (Eversmann, 1836)

Cyrille Deliry

Systématique et description

Ce taxon a été décrit par Eversmann en 1836 à partir d'insectes originaires de Russie. Cette description passée inaperçue a été doublée en 1840 par Von Charpentier sous Lestes virentis et De Selys-Longchamps sous Lestes picteti. Ce sont De Selys-Longchamps & Hagen qui en 1850 restituent et stabilisent le nom correct donné par Eversmann en 1836. Bechly (2005) souligne la position phylogénétique particulière de ce taxon proche de la racine des Lestinae, aussi son maintien dans le genre Lestes est discutable et le nom de genre Thalassalestes a été proposé par Deliry (2005), sans qu'aucune description ne soit pour l'instant jointe.

Référence : Eversmann E. 1836 - Libellulae inter Wolfgan fluvium et montes observatae. - Bull. de la Soc. impériale de Moscou, tome IX : 233 & seq.

Il s'agit d'un Zygoptère de la famille des Lestidés, sous famille des Lestinés. Son nom vernaculaire donné par la SFO (2008) est Leste à grands ptérostigmas, mais on trouve aussi volontiers Leste à grands stigmas (Dijkstra & al. 2007). De jolis noms alternatifs pourraient lui être appliqués comme : Lestes camarguais, Lestes des sansouires, Leste des salins par exemple. Rappelons que seul le nom scientifique, en l'occurrence Lestes macrostigma n'a de valeur dans la diffusion des connaissances au sujet d'une espèce.

Aucune sous-espèce n'a été décrite.

Répartition

Cette espèce est localement abondante et s'observe depuis l'Europe méridionale, l'Asie et le Moyen Orient (D'Aguilar & al. 1998), elle a été signalée anciennement au Maroc (Robert 1958).
Il convient de souligner que si les populations orientale semblent relativement continues et couvrir d'assez grandes surfaces y compris continentales, il est vraisemblable qu'une cartographie plus détaillée souligne un morcellement des stations. Les cartes de répartition européenne, même celle très précise donnée par Jödicke (1997) exagèrent la dispersion d'une espèce qui ne semble qu'égarée au-delà de ses rares sites de reproduction côtiers (Deliry 2008a) et des salins continentaux comme par exemple en Autriche. Les populations occidentales cartographiées avec plus de précision démontrent un tel morcellement. Dijkstra (2007) souligne le déclin de l'espèce en Europe.

Cartographie Pw
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Dijkstra (2007) souligne des stations remarquables pour l'espèce (spots) en Camargue (Bouches-du-Rhône, France), en Autriche au Neusiedler et au niveau des petits lacs salés du Seewinkel, en Sardaigne dans la province d'Oristano au niveau des étangs salés de Su Palosu et en Turquie au niveau du delta du Göksu, notamment dans les lettes dunaires et les fossés près de la lagune de Akgöl. Il s'agit de stations où il semble généralement aisé de découvrir l'espèce.

En France

Cette espèce semble "en grave danger" de disparition en France, le statut de cette espèce est surestimé, rare en France et en régression, la préservation de ses habitats de reproduction mérite d'être entreprise sérieusement (Deliry 2008a). L’espèce est réellement en danger de disparition sur le littoral méditerranéen français : Faton & al. (2000) préconisent un véritable plan de conservation du Leste à grands stigmas au niveau national. Ses habitats de reproductions en Camargue se sont fortement réduits du fait de la modification des pratiques de gestion hydraulique dans les espaces naturels situés entre les eaux douces et les eaux saumâtres. Actuellement, la réserve naturelle régionale de la Tour du Valat, qui a préservé une gestion traditionnelle de l’eau, semble le principal bastion de l’espèce dans le midi de la France (Deliry 2008a).

L'espèce était connue initialement de Corse (Mc Lachlan 1866) et Camargue (13), mais les prospections récentes documentées dans la revue Martinia indiquent sa découverte sur la façade atlantique en Charente-Maritime (Dommanget 1987, Lebioda 1987), Vendée (Machet 1990) et Loire-Atlantique (Picard & Meurgey 2006). Il s'agit de noter que les découvertes tendent à s'échelonner certes avec les prospections, mais aussi dans le temps du sud au nord. On peut envisager une expansion de l'espèce, notamment jusqu'en Loire-Atlantique où les habitats favorables furent prospectés sans succès (Manach 2001 ; C.Deliry, prospections au Marais de Guérande). Dans un tel contexte, les découvertes sont à prévoir dans le Morbihan et sur les rares marais salants de la Baie d'Audierne dans le département du Finistère (C.Deliry, com. pers.). On trouve en Baie de Somme, notamment sur le Hable d'Ault des habitats assez favorables (C.Deliry, com.pers.).

Exceptionnellement des explosions démographiques sont indiquées en Camargue ou en Crau en 1988 ou 1989 (à préciser) (Bence & Bence 1989 ; C.Deliry, obs.). Ceci se traduit par des déplacements sur de grandes distances : en 1988 ou 1989 (à préciser), l'espèce est remontée ponctuellement jusque dans le département du Vaucluse (Coffin 1989). De telles situations expliquent vraisemblablement les remontées accidentelles observées çà et là en Europe (plus ou moins acceptées par la communauté scientifique : Wildermuth & al. 2005 pour le Tessin en Suisse par exemple, mais aussi en Allemagne, à l'intérieur des Balkans - Jödicke 1997), par exemple dans la région lyonnaise au XIXème siècle ou début du XXème siècle (Martin 1931).

Densités en France
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Par départements en France
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Habitats

Il s'agit d'une espèce sténoèce des milieux saumâtres (Deliry 1997). Cette libellule est adaptée pour supporter une salinité importante. Les femelles pondent dans les tiges triangulaires du Bolboschoenus maritimus pendant une courte période en France, située entre le 15 mai et le 15 juin. Les œufs sont ainsi à l'abri dans ces tiges pendant la période sèche (diapause). Les larvules sautent dans l'eau en mars de l'année suivante et la larve a un développement très rapide (2 à 3 mois certainement). La présence d'eaux libres, a priori douces, sur les mares semble donc nécessaire entre mars et le mois d'avril au moins, voire le mois de juin (attractivité écologique pour les reproducteurs). La réussite de la reproduction est assez aléatoire car elle suppose que les scirpes ne soient pas broutés pendant la saison sèche et que l'eau faiblement saumâtre soit revenue à la fin de l'hiver pour permettre le développement larvaire. Les pontes sont certainement très nombreuses et certaines années favorables, on peut assister à de véritables invasions de Lestes macrostigma. Cela a été observé au bord de l'Etang de Berre en 1988 et en Crau avec une vaste dispersion des individus jusque dans le Vaucluse (J.M.Faton, in litt.). L'espèce, lors de ses invasions, ne se maintient généralement pas en eau douce (D'Aguilar & al. 1998).

Cette espèce présente une grande originalité liée à la spécificité du choix de son substrat de ponte. En effet si pour l'essentiel des espèces d'Odonates, ce substrat le plus souvent est très diversifié, le Leste à grands stigmas est une des rares espèces française a présenter des affinités précises dans ce cadre. Les pontes ont lieu essentiellement sur des Scirpes maritimes (Bolboschoenus maritimus) et parfois sur d'autres Scirpes comme les Scirpes lacustres (Schoenoplectus lacustris). Il convient de ne pas considérer en l'état actuel des connaissances ces végétaux comme des "plantes hôtes" telles qu'on le définit chez les Papillons, mais simplement des convergences probables des habitats. Il est vraisemblable que la plante la plus abondante dans les habitats optimaux du Leste soit simplement le Scirpe maritime qui alors est utilisé comme substrat de ponte statistiquement le plus régulier. Néanmoins dans le cas de notre espèce, la spécificité est notable et des plus remarquables... la notion de "plante-hôte" mérite alors d'être étudiée (C.Deliry, com.pers.).


Phénologie - Période de vol

En Turquie, l'espèce peut apparaitre selon les années entre fin mars et fin avril. En Sardaigne, la période optimale d'observation se situe à la fin du mois de mai (Dijskstra 2007). C'est la même période, voire un peu plus précoce qui concerne le littoral méditerranéen français (C.Deliry, com. pers.), néanmoins l'activité reproductive de ce Leste est encore importante sur le littoral atlantique, fin mais (Jourde & Thirion 1999) à mi juin (Machet 1990) en Vendée, voire carrément fin juin en Charente-Maritime (Lebioda 1987), offrant un spectre d'observation plus long sur la côte atlantique que sur le littoral méditerranéen. Début juillet l'activité reproductrice a cessé en Charente-Maritime (Lebioda 1987).

Cycle de vie

L'émergence des individus survient généralement (fin mars, Turquie) au moins de mai (France), voire légèrement plus tôt. Après une période de maturation relativement courte, estimée à une quinzaine de jours (plus courte que chez les autres Lestes : 15-30 jours, voire plus pour Chalcolestes viridis), les pontes surviennent entre mai (Camargue) et fin juin (date atteinte sur le littoral atlantique). Rapidement cette activité qui semble ponctuelle dans le temps stationnellement, donc difficile à déceler, cesse. Plus aucune activité reproductrice n'est indiquée nulle part au mois de juillet. Les œufs protégés dans les végétaux passent l'hiver et éclosent l'année suivante (diapause) vraisemblablement aux alentours du mois de mars. Ceci est parfaitement compatible avec une longue période d'exondation des sites, période qui pourrait être nécessaire pour limiter la concurrence avec d'autres Odonates. En Charente-Maritime, les sites sont ainsi exondés pendant toute la période estivale (Lebioda 1987). Le développement larvaire est rapide et ne dure que 8 à 10 semaines (D'Aguilar & al. 1998), au terme duquel l'émergence survient. Le cycle est bouclé. Il s'agit d'une espèce monovoltine.

Références

A compléter...
  • Bechly 2005
  • Bence & Bence 1989
  • Coffin 1989
  • D'Aguilar et al. 1998
  • Deliry 2005
  • Deliry 2008a
  • Deliry 2008b
  • Dommanget 1987
  • Eversmann E. 1836 - Libellulae inter Wolfgan fluvium et montes observatae. - Bull. de la Soc. impériale de Moscou, tome IX : 233 & seq.
  • De Selys-Longchamps 1840
  • De Selys-Longchamps & Hagen 1850
  • Dijkstra 2007
  • Faton & al. 2000
  • Lebioda 1987
  • Jödicke 1997
  • Jourde & Thirion
  • Machet 1990
  • Manach 2001
  • Martin 1931
  • Mc Lachlan 1866
  • Picard & Meurgey 2006
  • SFO 2008
  • Von Charpentier 1840
  • Wildermuth & al. 2005

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